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Lucerna de beate Marie, de Gilbert Nicolas, alias Gabriel Maria
Le père Gilbert Nicolas est un frère mineur de l'observance connu pour avoir été le confesseur de Sainte Jeanne de France et pour avoir rédigé la règle de l'ordre des Annonciades.
Il a par ailleurs rédigé le traité ci-dessous, en latin, pour présenter la fraternité des 10 Ave Maria. Le traité, imprimé au début du 16ème siècle, contient 61 pages : il expose les pratiques des membres cette fraternité, puis se fait traité de théologie, analysant les vertus et les oeuvres de Marie.
J'en propose donc la traduction.
Le plan détaillé de l'opuscule se trouve ci-dessous.
Exergue, court poème, page 1.
1) Dédicace à Daniel Agricola, page 2.
2) Réponse de Daniel Agricola, page 3.
3) Epithalame de louange à la Vierge, chaque strophe reprenant chacune des 10 Vertus, pages 4 à 6.
4) Prologue, indiquant le plan de l’exposé : présentation de la Confraternité suivi de 10 questions théologiques à examiner), page 6.
5) Chapitre 1, page 7. Présentation de la Confraternité, première étape : dévotions de base.
Préambule : attributs de la Vierge et leur nombre : Vertus/ Œuvres/ Douleurs/ Honneurs, page 7.
Les 3 bases de la confraternité : faire / dire/ porter.
1) Faire : exécuter 3 dévotions.
Préambule :
-nécessité de distinguer œuvres et vertus et de préciser ce qu’est une dévotion, pages 8 et 9 ;
-préciser comment 3 dévotions a, b, et c, sont tirées des 40 Oeuvres de la Vierge, dévotions appréciées et pratiquées par elle, pages 9 et 10 :
-a) écouter l’enseignement de la parole du Christ
-b) prier en contemplant les plaies du Christ
-c) communier au sacrement de l’autel.
Ces 3 dévotions sont reprises chaque matin dans la Confraternité, page 10:
-utiliser la parole pour être l’avocat des pécheurs (a)
-supporter une plaie morale (b)
-écouter la messe (c)
Une quatrième dévotion est ajoutée : se corriger de ses fautes.
Ces trois dévotions sont comparées aux trois présents des rois mages.
2) Dire, page 11: l’office et les Ave Maria.
3) Porter, page 12 : porter une image reprenant les 3 dévotions : l’Annonciation (dévotion a), les 5 plaies du Christ et les 10 Douleurs de Marie (dévotion b), le calice et l’hostie (dévotion c).
Indulgences attachées à chacune des trois bases (faire / dire/ porter) .
7) Chapitre 2, page 13. Présentation de la Confraternité, deuxième étape : la meilleure façon de dire chaque office.
-1) Matines, en fonction des 10 Vertus (détaillées) de Marie
-2) 1ère, 3ème, 6ème, et 9ème Heures, en fonction des 40 Œuvres (non détaillées) de la Vierge, page 14.
-3) Vêpres, en fonction des 5 plaies (détaillées et comparées aux fleuves du Paradis) du Christ et des 10 Douleurs (détaillées) de la Vierge, page 14.
-4) Complies, ou messe des douze Mystères (détaillés et comparés à douze étapes de la messe) de la Passion alternant avec des Ave Maria ; la messe est terminée par une couronne de l’autel en relation avec les douze degrés de la hiérarchie céleste, page 17.
Pratiques complémentaires de dévotion, page 21.
Suit l’examen des 10 questions posées dans le prologue.
8) Chapitre 3. Quelles sont les 40 Œuvres de la Vierge ? (réponse à la question 1)
Relevé dans les Evangiles des 40 Œuvres (détaillées) de la Vierge, page 21.
Mise en ordre des 40 Œuvres, page 26.
Liste des 22 Dignités de la Vierge, page 30.
9) Chapitre 4. Quelles sont les 10 Vertus de la Vierge ? (réponse à la question 2)
Méthode pour relever les 10 Vertus de la Vierge, page 32.
Les 3 manières (globale, ponctuelle, par son apparence) dont une Vertu peut être signalée, pages 32 et 33.
Liste des 10 Vertus, citations à l’appui, page 33.
10) Chapitre 5. Les 40 Œuvres procèdent-elles de ses 10 Vertus ? (réponse à la question 3)
Nature héroïque des Vertus de la Vierge page 34.
Définitions successives des 10 Vertus dans leur dimension parfaite, page 35.
Les 10 Vertus s’impliquent les unes les autres, pages 35-36. (affirmation non démontrée)
Il est légitime de se demander de quelle vertu une oeuvre procède, page 36.
Contestation par certains des distinctions Louange/Compassion et Prudence/Vérité, page 36 : une œuvre répétée peut engendrer une vertu ; double nature de la vertu de Vérité, page 36.
Présentation des 5 façons dont une vertu engendre une œuvre (et des interactions entre les Vertus) page 37.
Vertus de la Vierge dont chaque Œuvre de la Vierge procède respectivement, page 39.
11) Chapitre 6.
Les évangélistes ont parfaitement retranscrit les œuvres et la vie de la Vierge (réponse à la question 3), page 43.
Nécessité, page 44, d’un détour de la réflexion dans les chapitres 7, 8 et 9), comme annoncé dans le prologue, réflexion qui sera reprise au chapitre 9, page 54.
12) Chapitre 7.
ll n’y a que deux perfections et dix commandements, (réponses aux questions 5 et 6) page 44.
13) Chapitre 8.
Les conseils évangéliques (réponse à la question 7), page 44.
Leurs caractéristiques : difficulté extrême et caractère facultatif des conseils, page 45.
Leur nature : commandements et conseils sont-ils liés à des vertus différentes? Ou bien un commandement et un conseil concernent-ils une même vertu, mais à des degrés d’exigence différents (opinion de saint Bonaventure)? page 45.
Leur dénombrement :
présentation de quatre opinions, page 47
justifications alléguées par chaque opinion :
première opinion, de saint Bonaventure, page 48
seconde opinion, page 49 ;
troisième opinion, page 50.
argumentation en faveur de la quatrième opinion : identité des dix vertus et des dix conseils, page 50.
14) Chapitre 9.
La perfection des conseils est supérieure à celle des commandements (réponse à la question 8).
Reprise, page 54, de la réflexion entamée au chapitre 6 et interrompue page 44.
15) Chapitre 10 :
Les cinq plaies du Christ (réponse à la question 9) et leurs deux caractéristiques.
Les 10 douleurs de la Vierge, page 55.
Le dénombrement des douleurs de la vierge rendu inutile par le caractère continuel des celles-ci, page 56.
Les indulgences (réponse à la question 10), page 57.
16) Conclusion : brève récapitulation des obligations fondamentales de la communauté, page 57.
17) Messe des dix vertus, page 58, comportant page 59 la prière de Sainte Jeanne de France.
18) Cantique de Daniel Agricola sur le modèle du Te Deum, page 60
19) Chant d’action de grâces à la Vierge de Daniel Agricola, page 61.
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Par Philippe.p le 23 Janvier 2014 à 20:07
Lampe[i] de la bienheureuse Vierge Marie sur la confraternité des dix Ave Maria.
Va de l’avant, livre, et suis jusqu'au bout des sentiers heureux.
La lumière a assez été maintenue cachée.
Va maintenant de l’avant, diffuse ta lumière dans les ténèbres, lampe.
Le jour serein est de loin plus favorable que la nuit
Abandonne ta peur : lampe, dévoile les erreurs qui sont apparues.
La Vierge Marie t’accordera une marche victorieuse.
(Pour le couvent de (…/lacune)
Marie
Le frère Gilbert Nicolas, professeur d’écrits sacrés, serviteur et vicaire général des frères mineurs d’observance ultramontaine, à son frère très cher dans le Christ et dans Marie Daniel Agricola[ii], lecteur de notre couvent de Bâle, souhaite paix et salut éternel en Marie. Après, mon frère aimé, que je me fus aperçu de tes mouvements d’ardeur concernant la Vierge Marie, je n’ai pas pu ne pas m’incliner devant ta culture sans te choisir seul entre tous pour te dédier notre traité (que j’ai jugé bon d’appeler « Lampe de la fraternité de la Vierge Marie ») ; en effet, j’en avais composé, sur la même fraternité, un autre, qu’à cause de l’incurie et de la hâte des imprimeurs, j’ai trouvé en bien des endroits non corrigé et incomplet. Mais ce traité-ci, comme une lampe, mettra plus brillamment en lumière tout défaut et la lime de la purification rectifiera ce qui doit être corrigé. De même, puisque tu es un homme à l ’esprit clairvoyant, je voudrais (si cela semble bon), que tu fasses en sorte que, et par des sermons et par la multiplication des livres, soit accrue la gloire de la Bienheureuse Marie, dans laquelle je te souhaite de bien te porter en attendant.
Marie
Au très révérend père et frère Gilbert Nicolas, interprète très savant des choses divines et très digne Vicaire général des frères mineurs ultramontains, le frère Daniel Agricola, donne obéissance due et prompte dans le Christ et salut en Marie. Le traité que tu m'as dédié après beaucoup d’insistance avec un cœur bouillonnant, je l’ai reçu avec un entier respect et l’ai relu en entier bien souvent avec une joie ineffable. J’ai admiré tantôt la clairvoyance et l’intelligence particulière avec laquelle on te voit l’emporter sur la plupart des hommes les plus excellents, tantôt l’humilité aussi avec laquelle tu me juges digne d’une si grande tâche et d’un si grand honneur, alors que je sais parfaitement comment je suis, de peu de mérite et indigne de toute reconnaissance. Néanmoins, ce à quoi tu m'exhortes, (abandonnant toute activité, j’exécuterai ta volonté), cela en vaudra la peine. C’est pourquoi il me semble tout à fait juste, selon mon bon sens épais et poussif, que ce traité appelé « Lampe» soit multiplié par l’art de l’imprimeur, afin qu’il répande sur tous le rayonnement de grâce de la bienheureuse Marie. En la Vierge je me recommande à ta révérende bienveillance paternelle.
MARIE
Epithalame de louange à la glorieuse Vierge Marie selon le Te deum laudamus, sur le rythme du vers saphique[iii].
Chasteté
Marie mère de Dieu, toute la terre
Te loue et te reconnaît sa maîtresse.
Chaste toujours, tu demeures Vierge et nourricière.
C’est toi qui as engendré le Fils du père, l’alpha.
Vierge Marie.
Prudence
Toi le chœur céleste t’adore tout entier,
Sainte parmi les saints résonne d’année en année,
Douce et prudente, toi maîtresse bienveillante.
Voici que tu remplis le ciel de ta grâce divine.
Vierge Marie.
Humilité
Toi te chantent le chœur des douze
Avec l’assemblée des martyrs et le prophète[iv]
Sans relâche qui t’annonce, et les humbles de coeur
Te louent toi, l’humble, l’effacée.
Vierge Marie.
Vérité
La Vérité te magnifie sur la terre,
Toi mère et créatrice de la Vérité.
Epouse de majesté, gracieuse, sainte,
Belle, couronnée, sereine, comblée,
Vierge Marie
Prière
Fille du père éternel, tu as préparé
Une couche pour un Fils de roi, toi qui intercèdes
Tu es toujours dévouée, rabats la corne
De Zabulon, tu établiras le royaume du ciel.
Vierge Marie.
Obéissance
Toi tu sièges en haut du ciel de la divinité,
Toi dont le cœur a obéi à tout.
O trop heureuse qui acquiesces à la parole de Gabriel,
Grâce à quoi tu redonnes beauté aux royaumes du ciel.
Vierge Marie.
Pauvreté
C’est toi aussi qu’orne la flamme de la pauvreté,
Secours donc toujours les pauvres rachetés
Par le sang rose de ton Fils,
Puis emporte-nous vers les royaumes heureux.
Vierge Marie.
Patience
Oui, toi tu fus toujours patiente,
En ton cœur aucun murmure de reproche ne retentit,
Mais il préserve son calme et ton esprit se tait[v] .
Toi qui es donc bénie pour le reste des jours.
Vierge Marie.
Charité
La Charité en toi pieuse bonté s’est enflammée.
Marie a fait de toi un asile
Sûr pour tous, tout puissant pour les malheureux
Juge-nous donc dignes d’être réchauffés en ton sein.
Vierge Marie
A 3
Souffrance ou Constance
Tu t’es tenue ferme sous l’autel de la croix
Triste d’aspect, répandue en larmes.
Que Dieu lui-même nous accorde le pardon, nous le demandons,
Par tes chagrins, Mère.
Vierge Marie.
Traité nommé Lampe de Marie sur la confraternité des Dix Ave Maria
Prologue
J’entends que les frères et sœurs de la confraternité de la Vierge Marie, confraternité dite des dix Vertus ou des dix Ave Maria désirent vivement que j’élucide les doutes rencontrés sur cette illustre confraternité. J’en poserai dix, même si six seulement ont été proposées, mais je ne pouvais élucider ces six-là sans quatre autres.
Premièrement : s’il est vrai qu’on ne lit que quarante Œuvres de la Vierge dans le Nouveau Testament.
Deuxièmement : si n’ont été rappelées dans l’Evangile que dix Vertus de la Vierge.
Troisièmement : si les quarante Œuvres précitées ont trouvé leur source et leur accomplissement dans ces Vertus.
Quatrièmement : si la vie de la Vierge retraçant ces dix Vertus et ces quarante Œuvres est écrite dans l’Evangile de façon pleinement suffisante et parfaite.
Ces quatre points seuls étaient soulevés avec le neuvième et le dixième : mais j’ai ajouté les quatre suivants.
Cinquièmement : si dans l’Eglise de Dieu il n’y a que deux perfections : à savoir celles du commandement et du conseil.
Sixièmement : s’il y a seulement dix commandements de Dieu donnés dans l’ancienne Loi.
Septièmement : s’il y a seulement dix conseils du Christ ajoutés aux commandements dans la nouvelle Loi.
Huitièmement : si la perfection du conseil est supérieure à la perfection du commandement.
Neuvièmement : s’il est vrai que le Christ a gardé dans son corps cinq plaies seulement. Et qu’à la lecture de l’Evangile seules les douleurs de la Vierge sont sans nombre ; qu’au contraire ses Vertus, ses Œuvres, ses Dévotions, et ses Honneurs sont en nombre déterminé.
Dixièmement : quelles sont les grâces et indulgences apostoliques concédées à la susdite confrérie de la bienheureuse Vierge Marie.
Et parce qu’il est écrit sur la Vierge Marie « Ceux qui me mettent en lumière auront la vie éternelle[1] », j’ai été obligé à bon droit et j’ai voulu le cœur joyeux satisfaire aux vœux des frères et élucider les doutes susdits : c’est pourquoi ce traité est appelé « Lampe de la Vierge Marie ». Cependant Vierge, favorise donc mes propres vœux : et permets pour ta gloire que j’aie la force d’élucider les doutes susdits : que les frères et les sœurs te plaisent plus pleinement dans ta confraternité.
Ici se termine
le prologue.
A 4
CHAPITRE I
Chapitre 1
P
arce que, témoin Augustin, la réponse donnée aux questions soulevées ne peut être comprise sans qu’ait été comprise auparavant la chose elle-même, au sujet de laquelle les questions elles-mêmes furent posées, nous considérons en premier nécessaire de présenter sommairement cette confraternité elle-même, à propos de laquelle les doutes susdits sont exposés. C’est pourquoi il faut savoir que la confraternité « des Vertus de la bienheureuse Marie», confraternité appelée couramment « des dix Ave Maria », doit faire une seule chose, dire une seule chose, et porter une seule chose : et dans ces trois points se tient et se base toute la confraternité même. Pour connaître et comprendre ces trois points, il est nécessaire de savoir que dans tout le Nouveau Testament on ne relève que quatre sortes d’indication sur la Vierge :
les Vertus Vertus : 10 en tout
les Œuvres Œuvres : 40 en tout
A savoir : Nous lisons
les Douleurs Douleurs : en nombre indéterminé
les Honneurs Honneurs : 12.
En montrant à propos de la Vierge ce passage de l’Apocalypse[2] : « Une femme enveloppée du soleil et la lune sous ses pieds », passage suivi de celui-ci : «sur sa tête une couronne de douze étoiles », note donc que les Vertus sont appelées Psaltérion à dix cordes de la Vierge. Nous appelons les Œuvres, Rosaire : 63 (sic). Nous nommons les Douleurs, Pressoir[vi] de la Vierge. Quant aux Honneurs, ils gardent le nom de couronne[vii].
Et ainsi le Psaltérion de la Vierge contient seulement dix Ave Maria. Quant au Champ de roses, quarante. Le Pressoir dix, comme il sera dit plus bas[viii]. La Couronne douze.
Ce qui fait au total soixante douze, à savoir autant que le Christ eut de disciples et autant que la Vierge vécut d’années suivant la sainte Epiphanie
CHAPITRE I
bien que beaucoup en indiquent un plus petit nombre : mais toutes ces choses sont mises en lumière dans les pages suivantes[ix].
Ceci dorénavant posé, j’en viens à élucider les trois points susdits. Ce que c’est, précisément, premièrement que faire, deuxièmement dire, et troisièmement porter, parce que ces trois points sont ceux sur lesquels (comme nous l’avons dit) s’établit la confraternité toute entière.
Voici le premier point, c'est-à-dire : qu’est-ce que les frères et sœurs doivent faire ? Je dis que les frères et les sœurs, parmi les quarante Oeuvres de la Vierge Marie, en ont choisi trois : c’est précisément leur règle d’agir en se centrant sur elles.
Quelqu’un dira : pourquoi la confraternité a-t-elle choisi de préférence ces trois œuvres-là ? Réponse. Elle a choisi ces trois-là parce que ce sont les plus agréables à la Vierge : cependant d’autres sont bien ajoutées, comme il sera dit plus bas[x].
Donc il faut savoir qu’on a coutume de dire généralement que la Vierge, lit-on, n’a eu que trois dévotions, en parlant de dévotion extérieure ; de même, les Ecritures saintes parlent presque toujours de vertus, en nommant vertus des actes extérieurs et des actions des hommes ; c’est le même cas. « Personne ne peut avoir une plus grande charité que de donner sa vie pour ses amis »[3] . Et cependant il est certain que donner sa vie n’est pas la charité (vertu qui est dépendante de la volonté), mais est un effet de celle-ci. De même il y a ce passage, « Je n’ai pas trouvé une si grande foi en Israël »[4], et celui-ci peu après : « C’est celui qui a pratiqué la miséricorde envers lui »[5]. Puisque cependant la foi et la miséricorde sont dans nos âmes et non en dehors dans une œuvre, si ce n’est comme la cause réside dans l’effet, nous prendrons donc cette règle comme mode de lecture de l’Ecriture sainte : une bonne œuvre, celle qu’on voudra, reçoit le nom de la vertu par laquelle elle est accomplie : de même qu’une fille reçoit son nom de sa mère, l’effet de la cause aussi : et ceci a dû se produire ainsi chez les hommes : car parce qu’on ne voit ni le cœur, ni les reins, ni les pouvoirs de l’âme dans laquelle résident les vertus, on donne aux actions visibles les noms des vertus par lesquelles on pense qu’elles sont accomplies. Et à ce sujet le lecteur le verrait dans le livre 3 des Sentences, distinction 9, dans la partie sur l’adoration[xi].
Donc s’agissant de notre propos il faut savoir qu’une œuvre fréquente est dite chez les hommes dévotion et nous avons l’habitude de parler ainsi
A 5
CHAPITRE Iaussi bien s’agissant d’un bien que s’agissant d’un mal. Un tel montre une grande dévotion pour le jeu parce qu’il joue souvent. Et un tel pour les discours parce qu’il en écoute souvent ; alors que la dévotion, en parlant proprement, est dans la volonté, c'est-à-dire quand quelqu’un a le dessein solide, dévoué et décidé de faire ce qui relève de la gloire de Dieu et du culte divin. Il est vrai que (comme dit Scott[xii] dans le troisième livre des Sentences) la dévotion est parfois reçue comme une délectation spirituelle par laquelle Dieu nourrit et allaite les tout petits à son service pour qu’ils ne défaillent pas en chemin.
Donc, si nous disons qu’on ne lit que trois dévotions de la Vierge, en prenant le mot dévotion au sens d’œuvre extérieure, nous aurons à montrer quelles sont, parmi ses quarante Œuvres , les trois seules dont on dit que la Vierge les a pratiquées souvent .
Or cela est vrai : en effet nous lisons d’abord à propos de la première dévotion qu’elle aura été à l’écoute des prédications ou des paroles et des discours du Christ son Fils, qu’elle conservait par ailleurs et accomplissait. Puis ce point que nous lisons dans l’Evangile : les femmes suivaient Jésus dans les cités et les places fortifiées pour écouter ses paroles. Et nous lisons ceci : « Marie quant à elle conservait toutes ces paroles dans son cœur »[6].
La seconde dévotion concerne la croix et les plaies de son Fils. Voici cette parole de Syméon : « Un glaive transpercera ton âme elle-même»[7], et : « La mère se tenait près de la croix de son Fils. [8]» Et on lit qu’après sa mort elle fréquentait les lieux de la passion.
La troisième dévotion concerne le très digne sacrement de l’eucharistie ou de l’autel. Voici le passage : « Ils entraient en communion dans la fraction du pain ». Puis nous lisons : « ils étaient persévérants dans l’enseignement des apôtres ».[9] C’est la première dévotion. Et par la participation à la fraction du pain : c’est la troisième. Et la prière : c’est la deuxième, car cette prière, selon les docteurs, était principalement une méditation de la croix du Christ. Ainsi les deux disciples, pour ainsi dire des pèlerins accomplissant leurs dévotions, allant à Emmaüs, parlaient de la mort du Christ.[10]
Or ces trois dévotions de la Vierge étaient appelées les trois bons plaisirs de la Vierge.
CHAPITRE I
C’est pourquoi à l’origine cette confraternité fut appelée Confraternité des bons plaisirs de la Vierge Marie parce qu’en celle-ci rien d’autre n’est fait que de plaire parfaitement à la Vierge Marie et par elle, comme médiatrice de la très bienheureuse trinité.
Or la Vierge a révélé[xiii] qu’à elle et à son Fils plaisait au plus haut point le moment où une âme se réjouissait d’écouter la parole de Dieu avec un sentiment et une efficacité non pas borgnes, mais en détestant les paroles mauvaises ou du monde.
Et deuxièmement en méditant les plaies du Christ : non seulement en y réfléchissant, car une telle méditation serait borgne, mais aussi par le sentiment de l’affection, en désirant supporter à cause du Christ quelques plaies, c’est-à dire des tribulations, des persécutions, l’hostilité ou les injustices.
Troisièmement d’honorer, d’avoir dévotion et révérence pour le très digne sacrement de l’autel.
Et la Vierge ajoutait qu’elle observait toujours ces trois dévotions et, par elles, elle plut à Dieu au plus haut point. « J’ai observé, dit-elle, principalement la première pendant la vie de mon Fils, la deuxième à sa mort, la troisième après la mort de mon Fils, persévérant dans ces trois dévotions jusqu’à ma mort. »
Ainsi, une fois, la Vierge, à une personne que j’ai mentionnée plus haut qui lui demandait quelle était la pensée qui lui plaisait le plus, quelle était la parole qui lui plaisait le plus, et quelle était l’œuvre qui lui plaisait le plus, répondit : « Penser, dire et faire ce que mon Fils pensait, disait et faisait sur la croix. »
Et elle ajouta : « Il pensait à tes et à Ses blessures : en supportant volontairement les Siennes pour les tiennes ;
il disait des paroles de paix en priant pour ton cœur, il faisait un sacrifice pour le genre humain en le rachetant. Ces trois dévotions, observe-les, dit la Vierge et tu me plairas au plus haut point, et ton âme sera sauvée. »
C’est pourquoi il est réglé dans cette confraternité, pour observer ces trois dévotions, que, le matin, quand les frères et les sœurs se lèvent, ils se rassemblent et se placent devant la Vierge, en méditant comme si elle était présente, et disent :
« Aujourd’hui, Vierge, je veux te plaire et avec ton aide, je propose d’accomplir ces trois dévotions qui te plaisent tant :
CHAPITRE I
c’est-à-dire que je serai l’avocate de tous les pécheurs : en travaillant à mettre la paix entre ceux qui sont en désaccord ; en reprenant tes détracteurs ou ceux qui disent des choses honteuses ; à tout le moins en ne les écoutant pas.
Deuxièmement en supportant joyeusement quelques plaies, c’est-à-dire des injustices ou des persécutions à cause de toi et de ton Fils.
Et troisièmement en écoutant la messe ; ou en faisant autre chose pour honorer ce si grand sacrifice et en le vénérant précisément. »
Les frères et les sœurs ayant quelques tentations ou mauvaises inclinations ont l’habitude d’ajouter une quatrième dévotion en parlant ainsi : « Moi, Vierge, outre les trois dévotions déjà dites, je me propose aujourd’hui, avec ton aide, à cause de toi et de ton Fils, de m’abstenir et de me garder de tel ou tel péché ou mal. » Alors ils se lèvent avec un tel dessein : ils s’efforcent le jour de respecter ces promesses ou intentions ; mais le soir, avant d’aller au lit dormir, de nouveau ils se présentent devant la Vierge et ils rendent compte, indiquant s’ils les ont bien respectées ; en rendant grâce s’ils les ont respectées ; ou en demandant pardon s’ils ne les ont pas respectées ; et en proposant de se corriger le jour suivant ; et de les respecter mieux ; sans jamais désespérer ; même s’ils échouaient mille fois ; mais toujours en proposant de ne jamais s’arrêter ; jusqu’à ce qu’ils aient accompli le bon plaisir de la Vierge. Mais ils appellent ceci faire le triple sacrifice de la Vierge Marie, à savoir du matin, du jour, de la nuit. Du matin, en raison du rassemblement et des propositions susdites. Du jour, en raison de l’observance des trois dévotions et du bon plaisir de la Vierge. Et de la nuit, à cause de ceci : parce que le soir ils rendent compte, comme il a été dit. Et à ce triple sacrifice peut être associée la triple offrande des rois ou mages, c’est-à-dire celle de l’or, de l’encens et de la myrrhe car de plus dans cette confraternité, les frères jettent toujours des regards vers Marie comme les mages le faisaient vers les étoiles.
Voici le deuxième point, c'est-à-dire dire.
Les frères et les sœurs de cette fraternité doivent dire une seule chose, c’est-à-dire l’office ou les heures, suivant le Bréviaire évangélique de la Vierge Marie. Il faut seulement noter que comme dans l’Eglise de Dieu nous voyons que l’office ou la fête est
CHAPITRE I
simple, solennel et double. Ainsi les frères et les sœurs ont trois offices.
Simple : en disant seulement dix Ave Maria, en mémoire des dix Vertus évangéliques de la Vierge Marie.
Mais dans l’office solennel ils ont à dire un Pater noster avec dix Ave Maria pour le premier bon plaisir.
Et en plus un Pater noster et dix Ave Maria pour le second.
Et un Pater noster avec dix Ave Maria pour le troisième.
En tout il y en a trente : comme les trente deniers destinés à acheter le Christ.
Mais l’office double[xiv] a les heures canoniques: car ils disent dix Ave Maria pour matines en mémoire des dix Vertus de la Vierge Marie. Pour la première, la troisième, la sixième, et la neuvième heures, pour n’importe quelle de ces heures, dix en mémoire des quarante œuvres de la Vierge. Pour les vêpres, ils en disent dix en mémoire des dix Douleurs. Pour complies, ils en disent douze en mémoire des douze Honneurs de la couronne de la Vierge : toujours en faisant précéder d’un Pater noster, quand on dit l’Ave Maria pour les heures. Et l’office évangélique est dit parce que tous les écrits sur la Vierge sont contenus dans l’Evangile, comme il sera plus complètement mis en lumière plus bas[xv].
Voici le troisième point, c'est-à-dire porter.
Les frères et les sœurs doivent porter une chose, une image de la Vierge Marie, telle que dessus soient imprimées les trois dévotions ou bons plaisirs susdits parce que cette confraternité doit au plus haut point y tendre.
Or sur un côté est placée une image de l’Annonciation parce que c’était là un discours et un dialogue de paix.
Sur une autre partie est placée l’image des cinq plaies ou l’image des dix douleurs ou coups de lance.
Et semblablement une image du calice et de l’hostie pour représenter le très digne sacrement de l’autel.
Mais il n’y a dans cette disposition aucune obligation relative au péché ; ni relative au jeûne. Et il n’est pas nécessaire de porter un nouvel habit. Pour cette raison, tout religieux ou religieuse peut être de cette fraternité ; de même qu’un homme marié ou une femme mariée. En effet dans cette confraternité il n’y a que le mérite de la grâce et le salut des âmes et le gain des indulgences.
CHAPITRE II
Or, concernant le dire, les indulgences concédées par le siège apostolique sont de mille jours pour tout Ave Maria ; ce qui fait dix mille pour un petit office ; et trente mille pour un office solennel ; et soixante douze mille pour un grand. Et, concernant le faire, est concédée la participation à tous les biens de l’église chrétienne toute entière. Concernant le porter, pour chaque jour dix jours sont ajoutés aux indulgences susdites[xvi].
Chapitre 2
M
ême si rien d’autre n’est nécessaire à la confraternité, ou pour gagner des indulgences, grâce aux dévotions susdites -faire, dire et porter, cependant il sera utile et tout à fait salutaire d’ajouter la meilleure et la plus dévote façon de dire l’office susdit. Et ceux qui s’y seront exercés ne seront pas sans fruit ni consolation spirituelle. Et ainsi s’exerçait la personne de laquelle cette confraternité tire son origine.
D’abord pour les matines
D’abord il faut savoir quelles sont les dix Vertus évangéliques de la Vierge qui sont décrites dans l’Evangile, en mémoire desquelles sont dites les matines : ce sont les suivantes, dont nous parlerons plus complètement plus bas.
La première, la Chasteté
Deuxièmement, la Prudence
La troisième, l’Humilité
La quatrième, la Vérité de la foi
La cinquième, la Louange
Les dix Vertus évangéliques : La sixième, l’Obéissance
La septième, la Pauvreté
La huitième, la Patience
La neuvième, la Piété ou la Charité
La dixième, la Compassion ou le Glaive, ou la Lance de la douleur.
On dit donc ainsi : « Je te salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi ; tu es bénie parmi les femmes,
CHAPITRE II
et béni le fruit de ton ventre. Sainte Marie très chaste, prie pour nous pécheurs. Amen. »
Et ensuite on dit l’Ave Maria : « Sainte Marie très prudente ».
Et en troisième : « Sainte Marie très humble ».
Et en quatrième : « Sainte Marie très vraie ou très fidèle ».
Et en cinquième : « Sainte Marie très renommée ou pleine de louange ».
Et en sixième : « Sainte Marie très obéissante ».
Et en septième : « Sainte Marie très pauvre ».
Et en huitième : « Sainte Marie très patiente ».
Et en neuvième : « Sainte Marie très pieuse ».
Et en dixième : « Sainte Marie très souffrante».
Ensuite ceux qui savent disent : « Béni le Seigneur Dieu d’Israël » ; ou le « Te deum ».
A propos de la bienheureuse Vierge Marie, concernant ses vertus, avec la prière suivante : « Dieu qui, avec une admirable Prudence, pour nous les rachetés, as fait naître d’une Vierge ton Fils unique, fais, nous le demandons, que, rachetés par la passion de ton Fils, nous te plaisions en toutes choses et toujours par la Vierge sa mère. Et permets-nous de t’offrir continuellement d’un cœur pur un denier de bons plaisirs de cette même Vierge ; per eumdem…[xvii]. »
Pour la première, la troisième, la sixième et la neuvième heure, qui sont dites en l’honneur des quarante Oeuvres de la Vierge Marie :
on dit l’ Ave Maria, avec « Sainte Marie, qui la première en ce monde as consacré à Dieu ta virginité, prie pour nous pécheurs. Amen ». Et ensuite : « Sainte Marie, qui as reçu Vierge Saint Joseph Vierge en mariage ». Et en troisième : « Sainte Marie qui fus troublée par la salutation de Gabriel » ; et ainsi de suite pour les autres, comme tu le trouveras plus bas, là où sont nommés les quarante œuvres elles-mêmes[xviii].
A la fin de chaque heure, la même prière que précédemment, celle de la fin des Matines, doit être dite.
Pour les vêpres, qui sont dites en l’honneur des Douleurs de la Vierge.
Pour les vêpres une plus grande attention doit être apportée. Car les heures du Fils et de la mère concernant les Douleurs et les Honneurs ne doivent pas être séparées : et c’est pourquoi aussi deux pressoirs sont posés, l’un du Fils dans lequel est exprimé le vin rouge, c’est-à-dire le sang,
CHAPITRE II
l’autre de la mère dans lequel est exprimé le vin blanc, c’est-à-dire les larmes. Et en même temps ils sont associés, de même que dans la messe l’eau est toujours mêlée au vin.
C’est pourquoi il doit y avoir, en leur mémoire, d’abord contemplation des cinq Plaies et deuxièmement des dix Douleurs.
A propos des dix Douleurs, vois-les nommées une par une dans le dernier chapitre[xix].
Mais donc il faut savoir, concernant les cinq Plaies[xx], que les frères et les soeurs doivent connaître les cinq contemplations du paradis, c’est-à-dire des cinq plaies du Christ qui est notre vrai paradis. C’est pourquoi il convient de contempler ceci : cela est comme la création par Dieu du paradis et, dans le paradis, de la source qui est ensuite divisée en quatre fleuves qui irriguent toute la terre[11]. Comme il est visible dans la Genèse. Ainsi il forma le corps du Christ, au milieu duquel, c’est-à-dire dans son cœur, il plaça la source d’eau de toute grâce, qui est divisée en quatre parties correspondant aux quatre autres plaies : parce que, vraiment, le sang coulait de ses pieds et de ses mains pour irriguer toute la terre ; parce que toute âme cherchant l’eau du salut doit puiser à ces sources de salut. Donc la source de la main droite est source des saintes méditations ; la source de la gauche des saints repentirs ; celle du pied droit des saintes affections ; celle du pied gauche des saintes langueurs. Quant à la source principale et originelle du coeur, elle est dite source de l’amour divin. C’est pourquoi, quelle que soit l’âme qui désire avoir de bonnes et saintes méditations, qu’elle aille à la plaie de la main droite. Si elle désire pleurer ses péchés et ceux d’un proche, qu’elle aille à la main gauche. Si elle désire n’avoir de l’affection pour aucune créature, mais pour Dieu seul, qu’elle aille à la source du pied droit. Si elle désire avec Paul être dissoute et être avec le Christ ; et dire avec l’épouse : « Je me languis d’Amour » ; et avec David : « Malheur à moi parce que mon exil a été prolongé [12]», qu’elle aille au pied gauche. Mais si elle désire fondre toute entière et être transformée par l’amour intérieur, qu’elle aille au cœur et au côté du Christ.
Donc d’abord, pour ces paroles, sont dits[xxi], en quelque sorte pour préparer la récitation des Ave Maria,
CHAPITRE II
cinq Pater noster, pour honorer et rappeler les cinq Plaies du Christ.
Ensuite, pour les vêpres, dix Ave Maria sont intercalés entre ces cinq Plaies, en plaçant à propos de chaque plaie deux Ave Maria, de la façon suivante :
pour la première plaie, c’est-à-dire celle de la main droite, sont dits deux Ave Maria terminés par : « Bon Jésus, par la douleur que ressentit ta mère quand elle entendit les paroles de Syméon ; et par celle qu’elle ressentit pendant que, fuyant Hérode, elle te portait ; et par celle qu’elle ressentit pour cette plaie-ci ; donne-moi d’avoir toujours de pures et saintes pensées. »
Ensuite, semblablement, pour la deuxième Plaie, c’est-à-dire celle de la main gauche, sont dits deux Ave Maria terminés par : « Bon Jésus, par la douleur que ressentit ta mère quand, sans qu’elle le sache, tu restas trois jours dans Jérusalem ; et par celle qu’elle ressentit, quand il lui fut annoncé que tu avais été pris par les Juifs et abandonné par les apôtres ; et par celle qu’elle ressentit pour cette plaie-ci ; donne-moi d’avoir un vrai repentir et une vraie contrition de mes péchés. »
Ensuite, pour la troisième plaie, c’est-à-dire celle du pied droit, sont dits semblablement deux Ave Maria terminés par : « Bon Jésus, par la douleur que ressentit ta mère quand elle alla au devant de toi qui portait la croix ; et par celle qu’elle ressentit quand elle te vit et t’entendit être crucifié ; et par celle qu’elle ressentit pour cette plaie-ci ; donne-moi d’avoir toujours de saintes affections et de saints plaisirs, afin qu’en toi seul mon cœur se réjouisse. »
Ensuite pour la quatrième plaie, c’est-à-dire celle du pied gauche, sont dits semblablement deux Ave Maria, en ajoutant à la fin : « Bon Jésus, par la douleur que ressentit ta mère quand elle te vit mourir ; et par celle qu’elle ressentit quand elle te vit être blessé d’un coup de lance et sortir de ton côté du sang et de l’eau ; et par celle qu’elle ressentit pour cette quatrième plaie ; donne-moi de toujours languir, de désirer être dissous et d’être avec toi. »
Ensuite pour la cinquième plaie, c’est-à-dire celle du côté et du cœur sont dits deux Ave Maria, en ajoutant à la fin : « Bon
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Jésus, par cette douleur que ressentit ta mère quand, en méditant sur tes blessures, pieuse, elle Te contemplait déposé de la croix et placé sur son sein ; et par cette douleur qu’elle ressentit, quand, séparée de Toi qu’on avait déposé désormais dans le tombeau, elle revint seule à Jérusalem.
Et par cette douleur que Tu ressentis, en disant dans le jardin : « Mon âme est triste à en mourir » et après Tu as sué du sang ; et par celle que Tu ressentis quand tu fus pris, lié durement et bourré de coups de poing ; et par celle que Tu ressentis pendant la flagellation ; et celle que Tu ressentis à ton couronnement ; et celle que Tu ressentis sur la croix, dans l’étirement de tes membres ; et ainsi on pouvait dénombrer tous Tes os ; et celle que Tu ressentis à Ta mort, quand Ton âme s’est séparée de Ton corps, donne-moi la grâce de mourir dans le sein de Ta mère et qu’enfin je sois couronné d’une couronne de gloire dans Ton royaume. Amen. »
Ensuite est dit le Magnificat.
Et pour finir : «Christ, pour nous, tu t’es fait alors obéissant jusqu’ à la mort, etc.
Oraison. Regarde, nous le demandons, Seigneur, cette famille qui est la tienne... » etc.
Qui aura bien contemplé les vêpres susdites, verra de façon très ordonnée et explicite les dix Douleurs du Fils placées avec les dix Douleurs de sa mère.
POUR complies, ce qui est dit en l’honneur et en mémoire de la Vierge :
S’agissant de complies aussi, une grande attention doit être apportée. Donc il faut savoir que les frères et les sœurs célèbrent toujours la messe à Complies. Et ils y font la Cène du Seigneur. Et quand tu entends que les frères et les sœurs célèbrent ou disent la messe à Complies, ne comprends pas[xxii] messe sacramentelle, mais messe révérencielle, de la façon suivante :
D’abord, suivant le nombre des douze apôtres pendant la Cène, ils disent douze Ave Maria, en mémoire des douze Mystères de la messe. Et il est grandement utile pour la mémoire d’avoir depuis le début une image de la Cène où chaque apôtre ait un Mystère écrit sur la main. Ce sont :
le premier, l’Introït ; le second, les Prières ; le troisième, l’Epître ; le quatrième, le Graduel ;
CHAPITRE II
le cinquième, le Tractus ; le sixième, l’Evangile ; le septième, l’Offertoire ; le huitième, le «Per omnia saecula» ; le neuvième, le Memento ; le dixième, l’Elévation ; le onzième, le Pater noster ; le douzième, l’Agnus dei.
Quant à Judas le traître, à sa place se trouvent Moïse, David ou Paul, parce que Moïse et David eurent un très grand respect pour l’arche du Seigneur qui est une figure de ce sacrement, comme Paul pour la messe.
Mais pour que la succession soit mieux comprise, il convient d’énumérer les Mystères de la messe. Note que [xxiii]la messe n’est rien d’autre que la représentation véritable et la commémoration de la mort, de la croix et de la passion du Christ ; et celui qui aura eu une bonne connaissance de la messe, connaîtra bien la passion ; et celui qui aura eu une bonne connaissance de la passion, connaîtra bien la messe, comme c’est évident pour ceux qui savent et contemplent les Mystères successifs.
Le premier Mystère est l’Introït de la messe, représentant la façon dont le Christ entra dans le jardin et prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean : de même nous voyons que le prêtre prend avec lui le diacre, le sous diacre et l’acolyte.
Le second Mystère est les Prières que le prêtre dit ; et elles représentent les trois prières du Christ au jardin : mais le Kyrie était dit par les pères des limbes[xxiv] ; et le Gloria in excelsis par les anges.
Le troisième Mystère est l’Epître, qui représente la réponse et la lettre que les anges, du haut du ciel ont apportées au Christ, le réconfortant.
Le quatrième Mystère est le Graduel, représentant la façon dont il s’avançait vers ses disciples endormis, et vers Judas et les Juifs qui veillaient et le cherchaient.
Le cinquième Mystère est le Tractus, ainsi nommé en raison de la traction, représentant la façon dont le Christ fut traîné vers deux juges ecclésiastiques et deux juges séculiers.
Le sixième Mystère est l’Evangile, représentant la vérité que le Christ dit à Pilate par ces mots : « Moi je suis né pour cela ».
Le septième Mystère est l’Offertoire : car le Credo, dans la messe de la croix, ne fut pas chanté, si ce n’est par la seule Vierge Marie ; parce que les autres perdirent la foi. Or l’Offertoire représente le moment où Pilate offrit Jésus
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flagellé et couronné aux Juifs en disant : « Voici l’homme » ; et finalement il le livra à leur volonté.
Le huitième Mystère est quand le prêtre commence : « Per omnia », après les paroles secrètes, représentant la façon dont toute la cité fut rassemblée, à cause de la décision des Juifs, pour venir voir le Christ être pendu ; et parce que précisément, il y eut «per omnia » les saintes femmes pleurant Jésus : c’est pourquoi on dit le Sanctus, et il représente proprement la Vierge Marie qui alla au devant du Christ qui portait la croix sur son dos.[xxv]
Le neuvième Mystère est le Memento, représentant la façon dont le Christ, avant qu’il ne soit élevé sur la croix, avait prié à l’écart Dieu son père, lui confiant tous ceux qui allaient croire en lui. Et aussi pareillement ceux qui le contemplaient, en les nommant par leur nom, en offrant à Dieu son père, pour eux et pour le monde entier, sa mort.
Le dixième Mystère est l’élévation de la sainte hostie. Et elle représente le Christ élevé sur la croix.
Et remarque que de même que le prêtre dit le Memento, ainsi fit le Christ ses prières secrètes et dit Memento, en recommandant le genre humain et en offrant son sang pour la rédemption de celui-ci.
Le onzième Mystère est le Pater noster et il représente les paroles que le Christ dit sur la croix. Et remarque que, de même que dans la prière dominicale il y a sept demandes, de même sur la croix le Christ prononça sept paroles et à la dernière expira, en disant : « Père, je remets entre tes mains mon Esprit ».
Le douzième Mystère est l’Agnus dei, dit trois fois quand la paix est donnée, représentant la paix donnée par la mort du Christ, aux anges, aux pères des limbes et aux vivants. C’est pourquoi, avant que la paix du Seigneur soit donnée par le prêtre, celui-ci partage l’hostie en trois. Donc la messe du Christ fut achevée dans la paix. Et de même qu’à la naissance du Christ la paix fut donnée aux hommes, de même à la mort du Christ elle fut laissée aux hommes.
Cependant l’Eglise ajouta trois choses : la Communion, les Prières, l’Ite missa est. Et elle le fit pour représenter complètement tous les faits postérieurs à la mort du Christ. Car la Communion
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représente la façon dont les pères des limbes communièrent alors en voyant la nature divine ; et alors le larron fut au paradis ; la postcommunion représente le bouleversement du monde entier.
Quant aux Prières, elles représentent les demandes que fit Joseph d’Arimathie à Pilate pour obtenir le corps du Christ.
L’Ite missa représente le moment où, après l’ensevelissement du Seigneur, ils dirent à la Vierge Marie : « Allez, parce que la chair est mise au tombeau ; allez à Jérusalem ».
Et à cause de ces trois points qui n’ont pas été dits par le Christ dans sa messe, mais ont été ajoutés par l’Eglise, parfois sont admis quinze Mystères. Parfois aussi ne sont admis que dix Mystères : car le neuvième, c’est-à-dire le Memento, ils le placent sur la croix ou à l’élévation de la croix ; et le douzième, c’est-à-dire l’Agnus, ils le placent avec les pères des limbes auxquels la paix est donnée ; et ceux qui ont cette opinion considèrent que le bon larron apportait la paix, de même nous voyons dans la messe que la paix est donnée et portée aux autres.
Et au commencement de cette confraternité, on disait ainsi : que n’étaient jamais admis que dix Mystères de la messe. Mais la communauté s’étant accrue, il a été laissé à la dévotion des frères et des sœurs que soient admis dix ou douze ou quinze Mystères de la messe.
Une fois ces points établis, expliquons la façon de dire complies.
Donc, d’abord on dit le Pater noster et l’Ave Maria, en les disant d’abord pour le premier Mystère. Et ainsi de suite, jusqu’au douzième en les nommant.
En premier lieu, que l’Ave Maria lui-même est un Mystère, penses-y en disant l’Ave Maria pour l’Introït; et l’Ave Maria pour les Prières ; et l’Ave Maria pour l’Epître ; et de même pour les autres.
Une fois dits ces douze Ave Maria pour la Cène et la messe, on pose alors sur la tête de Jésus la couronne de l’autel et de l’adoration, en disant qu’on rend tout honneur au Christ, honneur qui lui fut rendu depuis le commencement du monde en préfiguration ou en réalité en raison de ce très digne sacrement.
Et après cela, on commence à en dire douze autres pour la couronne, parce que les rois et les reines ne sont jamais couronnés que pendant une messe ; et on dit : « De cette façon, Vierge, à toi, je rends tout honneur
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que te rendirent le jour de ton assomption et de ton couronnement dans le ciel tous les hommes et femmes qui vécurent bien relativement à l’état de mariage » ; et on fléchit le genou ou incline la tête en disant d’abord l’Ave Maria, et conséquemment l’on fait ainsi pour tous les degrés de la hiérarchie céleste, qui sont douze, selon ce à quoi on s’en tient généralement, bien que différentes personnes les ordonnent de façon différente, car certains veulent que Dieu ne soit pas de la hiérarchie céleste mais au-dessus de toute la hiérarchie céleste, de la même façon qu’on dit d’habitude qu’il n’est pas de l’univers mais au-dessus de l’univers tout entier ; et ils placent en premier le Seigneur Jésus en tant qu’homme[xxvi], mais sur ces sujets je passe rapidement. Car il me plaît que chacun établisse l’ordre où il trouvera la plus grande dévotion ; qu’il soit dit ainsi dorénavant.
en premier les femmes et les hommes mariés
en deuxième les veuves
en troisième les vierges
en quatrième tous les religieux
en cinquième les confesseurs
Il y a en sixième les martyrs
en septième les apôtres et les évangélistes
en huitième les prophètes
en neuvième les patriarches
en dixième les anges
en onzième l’humanité du Christ
en douzième la bienheureuse Trinité.
Et il faut noter que cette couronne est formée de multiples manières par les personnes pieuses. Donc quelques uns la font à propos de ses douze joies ; d’autres des douze excellences et prérogatives de la Vierge Marie.
Mais au terme des douze Ave Maria sont dits le Nunc dimittis[xxvii] ou bien[xxviii] le « Dignare me » ; l’« Oratio famulorum tuorum ».
Pareillement, les religieux, selon les trois bons plaisirs de la Vierge, s’exercent aussi à trois choses. D’abord, quand ils entendent les heures du jour à l’horloge, ils disent un Ave Maria pour le premier bon plaisir. Et, quand ils passent
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devant la croix , ils disent : « Bon Jésus, par cette douleur que tu ressentis sur la croix et par tes plaies, et par la douleur que ressentit ta mère au pied de la croix et ses larmes, remets-moi mes péchés et les peines qui sont dues pour ceux-ci » ; et ceci est le second bon plaisir. Quant au troisième, quand ils entrent dans les églises, ou passent devant, ou sont face au tabernacle, ils disent : « Bon Jésus, par cet amour avec lequel tu veux toujours être avec moi, donne-moi la grâce par laquelle je puisse être toujours avec toi. Amen ».
Egalement, quand ils entendent la messe être malmenée, ils disent un Ave Maria pour le prêtre, pour qu’il ait la force de célébrer pieusement.
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l s’ensuit, après avoir présenté sommairement[xxix] la confraternité de la Vierge Marie, que nous la présentons théologiquement en élucidant les dix questions susdites. Or d’abord était demandé s’il était vrai que n’étaient lues que quarante œuvres de la Vierge ; il est certain en effet qu’elle en a accompli beaucoup plus, mais nous ne cherchons que celles qui sont écrites dans l’Evangile, dans lequel, concernant le Fils, nous lisons qu’il en a fait beaucoup et d’autres qui ne sont pas écrites dans l’Evangile[13] ; nous pouvons dire la même chose pour sa mère. Or, pour la réponse à la question, nous ne pouvons pas mettre mieux en évidence et avec plus de certitude la vérité qu’en recueillant et en collectant tous les passages de l’Ecriture sainte dans lesquels il est fait mention de la Vierge. Et je ne parlerai pas ici des préfigurations qui dans l’Ancien Testament la concernent ; que celui qui désire les voir lise le livre qui est appelé Bible de Marie[xxx] ; mais nous parlerons ici de toutes celles qu’on lit véritablement dans la loi du Christ et le Nouveau Testament à propos de la Vierge Marie, et non pas de toutes celles qui étaient dans l’ombre et en préfiguration.
Recueilli dans le premier chapitre de Matthieu.
Dans Matthieu, 1, il en est traité ainsi : « Mais Jacob engendra Joseph époux de Marie de laquelle naquit Jésus qui est appelé
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CHAPITRE III
Christ. » Dans le même chapitre il est ajouté : « Alors que Marie la mère de Jésus avait été promise à Joseph, avant qu’ils ne se marient, elle fut trouvée enceinte de l’Esprit saint » ; et au même endroit il est dit comment un ange apparut à Joseph qui voulait la renvoyer en secret, disant : « N’aie pas peur, reçois Marie comme ton épouse. »
DU second chapitre de Matthieu :
Les Mages viennent de l’orient sous la direction de l’étoile ; « Et, entrant dans la maison, ils trouvèrent l’enfant avec Marie sa mère ». Dans le même chapitre, il est ajouté comment, grâce à l’avertissement des anges, Joseph prit l’enfant et sa mère et s’enfuit en Egypte. Et qu’après la mort d’Hérode, il revint avec l’enfant et sa mère sur la terre de Judée et à Nazareth.
DU douzième chapitre :
« Alors que Jésus parlait aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient dehors cherchant à lui parler. Or quelqu’un lui dit : «Voici ta mère et tes frères qui se tiennent dehors en te cherchant. »»
RECUEILLI dans Marc, chapitre trois :
Suivent les passages recueillis dans Marc ; et d’abord chapitre trois. La mère de Jésus et ses frères se tenant à l’extérieur lui envoyèrent des gens le demander qui lui disent : «Voici que ta mère et tes frères te cherchent ».
DU chapitre quinze
Bien que dans ce chapitre, non plus que dans Matthieu chapitre 20, il ne soit fait expressément mention de Marie, il est cependant dit [14]: « Or il y avait des femmes qui se tenaient à l’écart, parmi lesquelles se trouvaient Marie la Magdaléenne, Marie la mère de Jacob le mineur et de Joseph, et Salomé ; et alors qu’il était en Galilée, elles le suivaient et le servaient ; et beaucoup d’autres qui de même étaient montées avec lui à Jérusalem ». Cependant dans Jean, chapitre 19, la Vierge est bien indiquée et nommée.
RECUEILLI dans Luc, chapitre 1.
Recueilli dans Luc. Et d’abord, dans le chapitre 1, se trouve ce très saint Evangile qui est appelé communément : « Il a été
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envoyé »,où il est fait mention de l’envoi de Gabriel et de la salutation par laquelle il salua la Vierge : « Je te salue pleine de grâce, le Seigneur est avec toi… » etc. de la façon dont elle fut troublée et se demandait quelle était cette salutation ; de la façon dont elle demanda à Gabriel : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » Et qu’elle répondit finalement à Gabriel : « Voici la servante du Seigneur…» etc.
Il est ajouté dans le même chapitre comment Marie se leva et partit dans la montagne chez sa parente Elisabeth. Et qu’elle salua Elisabeth ; mais quand fut entendue la voix de Marie, l’enfant exulta dans le ventre d’Elisabeth qui s’écriait : « Tu es bénie entre les femmes… » etc. Et elle dit : « Pourquoi cela à moi, que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Bénie, dit-elle, toi qui as cru, puisque le Seigneur accomplira en toi ce qui t’a été dit ». Et Marie dit : « Mon âme magnifie le Seigneur…» etc. Or Marie resta avec Elisabeth presque trois mois ; et elle retourna dans sa maison.
DU deuxième chapitre.
Dans ce chapitre se trouve la façon dont, au commandement de l’empereur, la Vierge Marie vint avec Joseph son époux jusqu’à Bethléem, où elle mit au monde son Fils premier-né, l’enroula dans des morceaux d’étoffe et le coucha dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’auberge. Il est ajouté ce qui concerne la venue des bergers et que la Vierge conservait toutes leurs paroles en les plaçant dans son cœur. Ensuite il est ajouté dans le même chapitre de quelle façon, après qu’eurent été accomplis les jours de purification de Marie, elle vint à Jérusalem et offrit une paire de tourterelles ou deux petits de colombes. Et Syméon dit à Marie : « Un glaive traversera ton âme à toi-même». Et aussi au même endroit : « Et quand tout fut accompli selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans la cité de Nazareth. L’enfant Jésus grandissait et ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour le jour solennel de la Pâque. Et comme Jésus avait atteint ses douze ans, il resta à Jérusalem ; et sa mère le troisième jour le trouva
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dissertant dans le temple ; elle lui dit : « Fils, que tu as-tu fait ainsi ? Voici que ton père et moi, affligés, nous te cherchions. » La mère de Jésus conservait en son cœur les paroles que lui répondit son Fils ». Ensuite il est ajouté qu’ils vinrent à Nazareth et que Jésus leur était soumis.
DU chapitre huit
Il se trouve dans le chapitre huit : « Or vinrent à Jésus sa mère et ses frères, mais ils ne pouvaient aller à lui à cause de la foule ; et il lui fut annoncé : « Ta mère et tes frères se tiennent à l’extérieur, voulant te voir. » »
DU chapitre onze
« Or Il arriva qu’alors qu’il disait cela une femme de la foule, élevant la voix, dit : « Heureux le ventre qui te porta et la poitrine que tu as tétée. » »
DU chapitre vingt trois
Il parle des femmes de la façon dont je l’ai dit plus haut dans Marc.
Recueilli dans Jean
Recueilli dans Jean : et d’abord dans le chapitre second : Marie se rend aux noces à Cana de Galilée et, le vin manquant, dit à Jésus : « Ils n’ont pas de vin ». De même elle dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Dans le même chapitre il est ajouté : « Après cela Jésus lui-même et sa mère descendirent à Capharnaüm et y restèrent peu de jours. »
Du chapitre dix neuvième
« Or Marie sa mère se tenait au pied de la croix de Jésus. Comme Jésus avait vu sa mère et un disciple qui se tenait là, il le choisit ; il dit à sa mère : « Femme, voici ton Fils. » Ensuite il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de ce moment le disciple la reçut dans sa maison. »
De tout ce que nous venons de dire, il apparaît que qu’il n’y a eu de mention de la Vierge que dans dix chapitres des quatre Evangiles : Matthieu, 1, 2 et 12 ; Marc, 3; Luc, 1, 2, 8 et 11 ; Jean, 2 et 19.
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Si quelqu’un trouve dans les quatre Evangiles d’autres passages que ceux qui sont exposés, il dira que je me suis endormi ou que j’ai fait tomber mon livre. Donc je crois qu’excepté ce qui est dit plus haut, on ne lit rien d’autre à propos de la Vierge Marie dans tout le Nouveau Testament, excepté ceci : qu’ils étaient tous persévérants dans la prière avec Marie, la mère de Jésus.
Tu vois donc, ô lecteur, que très sagement l’Esprit Saint a fait que les vertus et les Oeuvres de la Vierge soient écrites. Car en commençant dans la Foi, elle acheva dans la Persévérance, enfermant le denier des vertus entre les fondations de la Foi et le toit de la Persévérance. En ce tout consiste la perfection[xxxi].
Oui vraiment, pour éviter l’effort aux lecteurs, comme les points ci-dessus ont été donnés de façon désordonnée, Il convient de compter et de nommer en les distinguant toutes les Oeuvres de la Vierge. Je dis donc qu’on ne lit dans l’Ecriture sainte que quarante Oeuvres de la Vierge, qui suivent ci-après.[xxxii]
- La Vierge Marie, la première en ce siècle, consacra à Dieu sa virginité. Luc, 1.
- La Vierge Marie prit Joseph Vierge comme époux. Matthieu, 1. Les deux œuvres ci-dessus sont placées par certains après l’œuvre de Prudence, à cause de ces paroles : « comment cela se fera-t-il ? », qui sont suivies de : « Elle se demandait quelle était cette salutation ». Et ils disent que la Prudence fut la première Vertu de Marie écrite dans l’Evangile. Mais ceci apparaît manifestement faux. Car, avant la venue de Gabriel, la Vierge avait fait vœu de virginité et elle avait pris Joseph comme époux, comme il apparaît dans Luc ,1. S’y accorde la lyre de Matthieu, 1. Il est bien vrai que sa virginité est expressément indiquée par ces paroles : « Comment cela se fera-t-il etc. ? » Et ainsi peut être comprise ma première opinion. Et ne laisse pas de place au mystère le fait que la première Vertu dont touche l’Evangile au sujet de la Vierge Marie fut la Chasteté, comme le savent tous ceux qui aiment la Vierge parce qu’ils doivent avoir, au-dessus de toutes les autres vertus, cette particularité, s’ils veulent être familiers de la Vierge. En outre, ici, nous ne plaçons pas les Vertus de la Vierge dans l’ordre où elle les montra elles-mêmes, parce qu’il est certain
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que la Foi précède toutes les autres. Mais nous décrirons[xxxiii] les vertus de la Vierge en suivant l’ordre que l’évangéliste a arrêté dans son Evangile et de la façon dont elles sont décrites dans l’Evangile.
- La Vierge Marie prit peur et fut troublée au moment de la salutation de Gabriel. Luc, 1.
- La Vierge Marie réfléchissait très sagement sur la salutation susdite. Luc, 1.
- La Vierge Marie interrogea Gabriel, disant : « Comment cela se fera-t-il… ? » etc. Luc, 1.Certains ont voulu mettre à la place de la cinquième œuvre de la Vierge qu’elle-même aima Dieu tout à fait parfaitement, en raison de ces paroles : « Je te salue Marie pleine de grâce ». Et ils disent que la Grâce et la Charité sont la même chose. Mais, à mon avis, par ces paroles : « Pleine de grâce », n’est pas signifiée qu’une seule vertu : mais la réunion et le cumul et la plénitude de toutes les vertus et grâces. C’est pourquoi la cinquième œuvre fut comme il a été dit plus haut.
- La Vierge Marie répondit finalement à Gabriel : « Voici la servante du Seigneur…» etc. Luc, 1.
- La Vierge Marie conçut alors le Fils de Dieu. Luc, 1.
- La Vierge Marie se leva alors et partit dans la montagne de Judée. Luc, 1.
- La Vierge Marie entra dans la maison de Zacharie. Luc, 1.
- La Vierge Marie salua sa parente sainte Elizabeth. Luc, 1. Certains ont voulu mettre à la place de la huitième œuvre que la Vierge dissimula ce Mystères à saint Joseph ; mais quel que soit ce qui fut fait à ce propos, l’Evangile ne l’indique pas en l’expliquant expressément. Certains veulent mettre à la place de la neuvième œuvre que la Vierge réjouit Jean-Baptiste par sa salutation ; mais cela ne ressort pas du texte, bien que plusieurs docteurs disent que cette exultation a procédé du Fils qui était dans le ventre de la Vierge.
- La Vierge Marie eut toujours une foi vraie et parfaite. Luc, 1.
- La Vierge Marie exprima alors ce cantique des cantiques : « Magnificat », Luc, 1. Certains ont voulu
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que soit mis à la place de la treizième œuvre que la Vierge Marie resta presque trois mois avec Elizabeth ; mais nous disons que s’attarder n’est pas agir ; or en réalité nous ne recherchons que les Actes ou Oeuvres de la Vierge.
- La Vierge Marie retourna ensuite à Nazareth. Luc, premier chapitre.
- La Vierge Marie obéit au commandement de l’empereur et vint à Bethléem. Luc, 2
- La Vierge Marie alors se déclara soumise à l’empereur. Luc, 2. Il y eut certains pour dire que les femmes ne se déclaraient pas, seulement les hommes ; mais selon l’Evangile il semble que ce soit les deux ; et c’est bien vrai.
- La Vierge Marie fut hébergée dans un lieu misérable. Luc, 2. Certains veulent que soit mis à la place de la dix-septième œuvre que la Vierge eut Jésus dans son ventre dix ou neuf mois ; mais ceci n’est pas agir au sens où nous en parlons dans notre propos.
- La Vierge Marie dans le dit endroit misérable mit au monde le Fils de Dieu. Luc, deuxième chapitre.
- La Vierge Marie enroula son Fils dans des morceaux d’étoffe. Luc, 2.
- La Vierge Marie coucha le Fils de Dieu dans une mangeoire. Luc, 2.
- La Vierge Marie allaita le Fils de Dieu d’un sein plein de ciel. Luc, 2.
- La Vierge Marie conservait les paroles des bergers et des mages en les rassemblant dans son cœur. Luc, 2. Certains veulent que soit mis à la place de l’œuvre 22 qu’elle resta 40 jours à l’auberge. Mais il est déjà apparu que les retards ne sont pas des actions à proprement parler ; qu’ici nous parlons des actions.
- La Vierge Marie ensuite porta son Fils à Jérusalem pour qu’il soit présenté au Seigneur. Luc, 2. Certains veulent que soit mis à la place de l’œuvre 23 que la Vierge confia son Fils au bras de Syméon ; or ceci ne ressort pas du texte, mais seulement que Syméon le prit.
- La Vierge Marie offrit une paire de tourterelles ou deux
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petits de colombes. Luc, 2. Certains veulent que soit mis à la place de 24 que la Vierge souffrit beaucoup des paroles de Syméon. Mais ceci ne ressort pas de l’Evangile ; et c’est pourquoi cette douleur est contenue dans l’œuvre 39.
- La Vierge Marie ensuite revint à Nazareth : Luc, 2.
- La Vierge Marie s’enfuit en Egypte pour sauver son Fils : Matthieu, 3. Certains mettent à la place de l’Oeuvre 26 un laps de temps en Egypte de cinq ou sept ans. Mais est désormais évident ce qu’il faut en dire.
- La Vierge Marie revint ensuite en terre de Judée. Matthieu, 2.
- La Vierge Marie, par peur d’Archélaos, revint à Nazareth. Matthieu, 2. Il y eut certaines personnes qui mirent à la place de l’Oeuvre 28 que la Vierge Marie, en allant en Egypte portait dans ses bras son Fils ; mais quoi qu’il en soit, l’Evangile n’en fait pas mention. Il a été dit au auparavant ci-dessus que nous ne cherchons pas toutes les Oeuvres de la Vierge mais seulement celle qui sont écrites dans l’Evangile.
- La Vierge Marie chaque année montait au temple. Luc, 2.
- Marie chercha trois jours son Fils qui était resté à Jérusalem. Luc, 2.
- La Vierge Marie trouva son Fils le troisième jour. Ibidem.
- La Vierge Marie, après avoir trouvé son Fils, lui dit : « Que nous as-tu fait ainsi… ? » etc. Luc, 2
- La Vierge Marie conserve la réponse de son Fils, en la plaçant dans son cœur. Ibidem. Il y eut certaines personnes dont j’ai lu les écrits, qui divisaient cette Oeuvre en deux, toutes les fois qu’[xxxiv] il est dit que Marie conserve toutes ces paroles en les rassemblant dans son cœur. Et ils comptent « conserver » pour une œuvre et « rassembler » pour une autre. Mais il est meilleur de les réunir ensemble, parce que l’Evangile les unit ; parce qu’il n’est pas dit « Marie conservait et Marie rassemblait », mais « conservait en rassemblant ».
- La Vierge Marie avec son Fils retourna ensuite à Nazareth. Luc, 2. Certains veulent mettre à la place de l’œuvre 35
CHAPITRE III
que la Vierge régissait son Fils. Mais ceci ne ressort pas de l’Evangile, mais seulement qu’il leur était soumis.
- La Vierge Marie vint aux noces à Cana en Galilée. Jean, 2.
- La Vierge Marie, parce que le vin manquait, dit à son Fils : « ils n’ont plus de vin ». Ibidem.
- La Vierge Marie dit aux serviteurs : « Quoiqu’il dira, faites-le ». Ibidem.
- La Vierge Marie, après cela, descendit avec son Fils à Capharnaüm. Ibidem. Quelques uns veulent que soit mis à la place de l’œuvre 39 que la Vierge allait par des fermes et des hameaux avec les autres femmes ; mais cela ne ressort pas de l’Evangile, comme il en a été touché ci-dessus ; bien que je croie que ce soit juste.
- La Vierge Marie cherchait à parler à son Fils. Marc, 3 et Matthieu, 12.Certains distinguent deux œuvres, c’est-à-dire : chercher à voir, chercher et parler. Mais le texte de l’Evangile exprime le contraire.
- La Vierge Marie se tenait au pied de la croix de son Fils pendu. Jean, 19.
- La Vierge Marie persévérait dans la prière avec les apôtres de son Fils. Actes, 1. Il y eut certaines personnes qui, à la place de l’Oeuvre 40 dirent que la Vierge Marie reçut Jean l’évangéliste comme son Fils. Mais quoi qu’il fût fait à ce sujet, l’Evangile rappelle seulement que Jean la reçut pour mère. Et puissions-nous tous avec Jean la recevoir pour mère et maîtresse.
Voici donc les 40 Oeuvres qui sont rappelées dans l’Evangile, en prenant œuvre autant comme œuvre extérieure, que comme parole ou pensée ; parce que dans les 40 points ci-dessus, est mentionné tout ce qu’on lit sur les pensées, paroles ou actions de la Vierge.[xxxv]
Ajouter le chapitre suivant charmera véritablement le lecteur. Il porte sur toutes les autres particularités qu’on lit sur la Vierge.
Que donc le lecteur zélé remarque que, outre les 40 œuvres susdites, nous lisons concernant la Vierge dans les Ecritures saintes, les vingt deux Marques ou Dignités
CHAPITRE III
et Excellences qui suivent ; elles n’indiquent pas que la Vierge a fait, dit ou pensé quelque chose.
1 Marie, mère de Dieu et de Jésus, est de la tribu royale de David.
2 Gabriel fut envoyé à une vierge dont le nom était Marie.
3 Gabriel salua Marie en disant : « Ave, nouvelle Eva », transformant évidemment le nom d’Eve.
4 Marie est pleine de grâce.
5 Avec Marie, avec toi, est le Seigneur, toujours.
6 Marie est bénie dans les femmes et parmi les femmes.
7 Marie trouva grâce auprès du Seigneur.
8 L’Esprit Saint vint en aide à Marie.
9 La vertu du Très Haut couvrira Marie de son ombre.
10 Marie fut trouvée enceinte de l’Esprit Saint.
11 Joseph voulut renvoyer en secret Marie.
12 Joseph accueillit Marie à cause de l’avertissement de l’ange, et il ne la connaissait pas.
13 Les mages trouvèrent Marie avec l’enfant Jésus dans Bethléem.
14 Le fruit de Marie est béni.
15 Entendant la salutation de Marie, le Fils d’Elizabeth exulta dans son ventre.
16 Elizabeth admira l’humilité de Marie, disant : « Et d’où me vient cela… ? » etc.
17 Marie appela son Fils Jésus, conformément à cette parole de Gabriel : « Tu lui donneras le nom de Jésus. »
18 Joseph respecta l’humilité de Marie.
19 Le Seigneur fit de grandes choses pour Marie.
20 Toutes les générations diront Marie bienheureuse.
21 A Marie se tenant près de la croix, Jésus donne pour fils Jean l’Evangéliste.
22 Un disciple, évidemment Jean l’Evangéliste, prit Marie chez lui.
Si aux quarante Oeuvres susdites nous joignons les dix Vertus à partir desquelles les quarante Oeuvres elles-mêmes ont trouvé leur accomplissement et si nous ajoutons les susdites vingt-deux Marques ou Excellences de la Vierge, nous aurons le nombre
CHAPITRE IIII
des soixante-douze disciples du Christ ; de sorte que nous savons qu’autant de Dignités concernant la Vierge sont rappelées par l’Ecriture sainte que l’auteur de l’Ecriture sainte, c’est-à-dire, le Seigneur Jésus, eut de disciples. Or dans notre ouvrage quelqu’un pourrait, en en gonflant la matière, ajouter toutes les autorités et figures de la Bible qui parlent de la Vierge Marie au sens spirituel; mais je passe outre, parce qu’ici nous n’écrivons que ce qui rappelle que la Vierge a dit, fait ou pensé quelque chose. Est donc très suffisamment évidente la question posée en premier sur la confraternité de la Vierge Marie, c’est-à-dire qu’on ne lit que quarante Oeuvres sur elle dans le Nouveau Testament.
Chapitre 4
Concernant la seconde question
I
l était demandé en deuxième lieu, à propos des Vertus, si dix seulement étaient rappelées dans l’Evangile.
Pour comprendre cette question et pour la réponse, que le lecteur prenne garde d’abord, à ceci : bien que les vertus semblent avoir précédé les Oeuvres et par conséquent que cette seconde question ait dû être la première et la première la seconde, cependant l’ordre en a été changé par nécessité ; en fait, les passages relevés dans tous les Evangiles servent autant à la première qu’à la deuxième question ; comme c’est évident pour celui qui réfléchit.
Cependant que le lecteur prenne garde à ceci : dans ce chapitre sur les Vertus[xxxvi] nous devons comprendre la même chose que ce que nous avons dit dans le chapitre précédent des Oeuvres, c’est-à-dire que nous n’avons pas l’intention d’écrire toutes les Vertus que la Vierge eut. Qui en effet peut les compter ? Seul assurément celui qui compte les étoiles et les appelle toutes par leur nom. Mais nous avons seulement l’intention d’écrire les Vertus rappelées dans l’Evangile.
Cependant que le lecteur prenne garde à ceci : une Vertu peut être rappelée ou écrite de trois manières :
C
CHAPITRE IIII
c’est-à-dire de façon universelle et globale, comme quand la Vierge est dite « pleine de grâce » : ce sont toutes les vertus du monde qui sont rappelées de façon universelle, générale et globale[xxxvii].
Deuxièmement une vertu peut être rappelée dans sa singularité, c’est-à-dire quand le nom de la vertu est écrit : comme dans l’expression : « Parce qu’il remarqua l’humilité de sa servante »[15] Et de cette façon ne sont rappelées que deux, ou au plus trois, vertus de la Vierge, c’est-à-dire la Virginité, l’Humilité et la Prière.
Une vertu peut être rappelée d’une troisième manière, sous son espèce[xxxviii], c’est-à-dire par l’acte caractéristique de la vertu. Et cette manière est pour ainsi dire intermédiaire entre les deux précitées, à la façon dont sont établies les trois catégories de propositions en logique : c’est-à-dire universelles, particulières[xxxix] , singulières.
Et c’est au sujet de la troisième manière que nous disons que dix vertus seulement sont rappelées et se trouvent dans l’Evangile ; et ce sont les suivantes; nous les mettons en lumière dans l’ordre où elles sont données dans l’Evangile.
La première Vertu rencontrée est celle de la Chasteté : car la première œuvre qu’a faite la Vierge Marie en ce monde, s’agissant de ce qu’on lit dans l’Ecriture sainte, fut qu’elle voua à Dieu sa virginité, selon ce passage : « Comment cela sera-t-il fait, puisque je ne connais pas d’homme ?[16] » Elle l’avait vouée avant que Gabriel ne lui fût envoyé.
La seconde Vertu fut celle de la Prudence, selon ce passage « Elle se demandait quelle était la salutation de Gabriel »[17]. Et celui-ci : « Marie conservait toutes ces paroles en les rassemblant dans son cœur. »[18]
La troisième Vertu fut l’Humilité, selon ce passage : « Voici la servante du Seigneur. Qu’il en soit fait pour moi selon ta parole. »[19] Et celui-ci : « Parce qu’il a remarqué l’humilité de sa servante. »[20]
La quatrième Vertu fut la Vérité qui, d’après les mots de l’évangéliste, semble avoir été double, c’est-à-dire la vérité de la parole (parce qu’elle salua Elizabeth), et la vérité de la foi (parce que suit : « Heureuse toi qui as cru. »[21])
La cinquième Vertu est appelée vertu de la Prière ou de la Louange divine, selon ce passage : « Mon âme magnifie le Seigneur »[22] Et celui-ci : « Ils étaient tous persévérants dans la prière avec Marie la mère de Jésus »[23]
La sixième Vertu fut celle de l’Obéissance, parce que conformément à l’édit ou au commandement de l’empereur, elle alla
CHAPITRE V
avec Joseph à Bethléem, et là déclara se soumettre à l’empereur.[24]
La septième Vertu fut la Pauvreté, selon ce passage : « « Elle l’enroula dans des morceaux d’étoffe et le coucha dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux à l’auberge. »[25]
La huitième Vertu est appelée Patience, selon ce passage de Matthieu : quand elle était persécutée par Hérode et qu’elle fuit en Egypte.[26] Et celui-ci : « Fils, que nous as-tu fait ainsi : moi et ton père, etc. »[27]
La neuvième Vertu est appelée Piété ou parfaite Charité selon ce passage : « Ils n’ont pas de vin »[28]. C’est pourquoi elle fut appelée par Gabriel « Pleine de grâce »[29]
La dixième Vertu fut appelée par certains la Vertu de la Compassion ; par d’autres le Glaive ou la Lance de la douleur. Donc il est dit : « Un glaive transpercera ton âme »[30]Et ailleurs : « Marie sa mère se tenait au pied de la croix de Jésus ». O mère de douleur, donne-nous cette vertu par laquelle nous saurions souffrir avec le crucifié, parce que l’apôtre en est témoin : « Si nous partageons la souffrance, nous partagerons aussi le royaume »[31]
La réponse à la seconde question est donc évidente et sera plus évidente grâce aux points suivants.
Chapitre 5
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a troisième question fut : est-ce que les quarante Oeuvres susdites provinrent et procédèrent toutes de ces dix Vertus? Réponse : théologiens et philosophes s’accordent à reconnaître qu’une vertu héroïque est une vertu transcendante, excellente ou divine. C’est pourquoi semble s’ensuivre de façon tout à fait sûre et évidente qu’en raison de la maternité divine, qu’en la tout à fait excellente mère de Dieu devaient être placées de telles vertus tout à fait excellentes ; donc que toutes les vertus qui furent en la Vierge sont héroïques, comme il a été dit.[xl]
Donc sa prudence était une vigilance circonspecte, chassant le moindre vice d’engourdissement ; et sa circonspection veillait, mettant en fuite le moindre sommeil de négligence et étant toujours attentive à accomplir le divin bon plaisir et
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CHAPITRE V
à y être attentive[xli]. C’est pourquoi il est bien dit, par d’autres aussi, que cette Prudence évangélique est la science de plaire à Dieu.
Quant à la Pureté, c’est une Vertu héroïque, qui non seulement fuit les contacts -qui sont corporels, impudiques, mais aussi chasse virilement toutes les pensées malhonnêtes de l’esprit, et abomine, à cause du vœu de chasteté, tous les actes de Vénus.
L’Humilité est la Vertu grâce à laquelle on ne passe devant personne et on s’abaisse devant tous, en se mettant au dernier rang pour chaque acte et en désirant la dernière place.
La Vérité est la Vertu qui réfrène la langue de la façon suivante : elle n’exprime aucune parole sinon pour son salut ou celui du prochain, ou pour la gloire et la louange de Dieu.
La Louange est la Vertu par laquelle on exalte Dieu, qui doit être magnifié continuellement, on proclame et montre à autrui qu’il faut Le magnifier, faisant tout ce qu’elle fait pour la gloire de Dieu.
L’Obéissance est la vertu par laquelle on se réjouit quand on agit à l’encontre de sa propre idée, désirant toujours accomplir le commandement d’autrui en obéissant à sa décision, sans s’appuyer sur son avis personnel.
La Pauvreté est la Vertu par laquelle on repousse comme des excréments tous les biens temporels pour avoir comme profit le Christ.
La Patience est la Vertu qui rend l’homme immuable et le maintient toujours semblable dans l’adversité et la prospérité.
La Piété est la Vertu par laquelle on perçoit les défaillances d’autrui aussi bien que les siennes, on porte rapidement secours aux misères d’autrui comme aux siennes et on choisit de bonnes choses pour autrui comme pour soi.
La Compassion ou Glaive de douleur est la Vertu par laquelle on veut pleurer ou sangloter avec Jésus pendu en croix, souhaitant ressentir ce que ressentait aussi le Christ Jésus.
Ce sont là les définitions des dix Vertus susdites, qui sont héroïques.
Par elles, quelqu’un de zélé pourrait savoir comment, sous le nom d’une Vertu unique, une autre se comprend souvent. Qui en effet appréhenderait pleinement les Vertus susdites,
CHAPITRE V
verrait assurément, incluses précisément en elles, toutes les autres vertus une par une et comprendrait comment il est donné, dans une seule vertu de la Vierge d’en comprendre une autre[xlii].
Il faut savoir en outre que tous les philosophes et théologiens admettent tout à fait, sur la question des vertus, le point suivant : étant donnée, dans la situation qui nous intéresse, une œuvre quelconque, ou étant donnée une action méritoire et vertueuse quelconque commise par quelque voyageur[xliii], il peut être demandé de quelle vertu elle procède : c’est pourquoi, puisque nous trouvons dans une partie précédente, ou dans l’Evangile, quarante Œuvres ou actes ou occupations de la Vierge Marie, à bon droit, ses dévots doivent chercher de quelle vertu, ou de quelles vertus, elles ont procédé, elles sont provenues ou ont tiré leur accomplissement. Or le lecteur sagace, à partir de ce qui a été dit précédemment, peut apprécier clairement que dans l’Evangile ne sont explicitement abordées que dix Vertus héroïques de la Vierge Marie[xliv].
Peut-être quelqu’un se demandera-t-il particulièrement, à propos des Vertus de Louange et de Compassion, puis de Prudence et de Vérité, en quoi elles sont des vertus distinctes ; mais il l’apprendra suffisamment s’il lit ce qui est établi par les savants, quand ils traitent de la nécessité d’établir des manières d’être ou des vertus dans l’âme. Et en effet, étant donnée une action quelconque autour de laquelle l’âme peut se comporter bien ou mal, vicieusement ou vertueusement, si la volonté s’exerçait à cette action selon le jugement de la raison, grâce à cet exercice, ou grâce à ces actions fréquemment renouvelées, serait générée une manière d’être ou une vertu, à moins qu’elle n’ait été générée auparavant par des actes semblables. Elle y tendrait alors ou pourrait y tendre, à moins qu’elle ne soit à son point de perfection.[xlv]
Cependant que le lecteur prenne garde au point suivant, qui concerne la Vertu de Vérité : la vérité politique morale (dont parle le philosophe[xlvi] dans les éthiques) fuit tout mensonge ; mais la vérité évangélique et héroïque dont nous parlons fuit non seulement tout mensonge, mais aussi toute parole oiseuse.
Il est vrai qu’il sera extrêmement utile pour appréhender pleinement la question que nous établissions de combien de façons un acte ou une occupation procède d’une manière d’être ou de quelque vertu. Et je dis que c’est de cinq façons.
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CHAPITRE V
de façon dictative,
de façon adminiculative,
Un acte procède d’une vertu de cinq façons : de façon élicite,[xlvii] de façon impérative,
de façon vivifiante.
Pour la mise lumière de ces cinq modes je suppose que toutes les vertus sont comme des sœurs, s’aidant mutuellement dans la demeure et le royaume de l’âme. Ainsi la règle générale donnée par les philosophes et les théologiens dans les morales est qu’un acte bon, zélé ou vertueux peut être issu de toutes les vertus ensemble. Parce que l’on comprend que l’enchaînement des vertus permet que l’une favorise l’autre, on appelle ce mode adminiculatif ; d’où l’exemple suivant : soit une vierge chaste, mais pauvre ; il lui est offert par un tentateur beaucoup d’argent pour qu’elle consente à son honteux désir. SI la vierge pauvre susdite a la vertu de la Pauvreté, ou de Générosité, la dite vertu de Pauvreté secourra sa Chasteté pour qu’elle ne consente pas au péché de chair, parce que tout ce qui est temporel doit être méprisé comme des excréments pour avoir comme profit Jésus.
Or, concernant le mode qui est appelé « de façon dictative » ou «ostensive » et « directive», il est attribué à la Prudence, qui est l’aurige de toutes les vertus. Et elle indique à toutes les vertus par quel moyen, de quelle manière et quand il faut agir, et par quel moyen il faut plaire à Dieu.
Mais on dit qu’un acte existe «de façon élicite», par l’effet de la vertu par laquelle il est causé et produit. Ainsi de même que dans la maison de Salomon les serviteurs du roi avaient leur tâche et qu’aucun n’essayait de faire l’office d’un autre, il en est ainsi des vertus dans l’âme, parce qu’une vertu, quelle qu’elle soit, a à faire ou à provoquer son office et son action propres. D’où l’exemple suivant : la Chasteté a pour office propre de conserver la pureté du cœur et du corps. Et de les éloigner et les garder de toute souillure ou acte de Vénus. L’Humilité a pour office propre de rechercher la dernière place
CHAPITRE V
et de s’abaisser devant tous ; et de ne passer devant personne, mais de se garder de tout orgueil. La Patience a pour office propre de supporter avec une âme égale les tribulations, les injustices, l’adversité, et de s’abstenir de tout murmure et de toute vengeance. Et, conséquemment, il faut dire la même chose des autres Vertus. Et jamais une Vertu n’accomplit la tâche d’ une autre de cette manière-là, de façon élicite ; bien qu’elle puisse soutenir, commander à une autre vertu et la diriger.
Un acte est dit exister « de façon impérative » sous l’effet de quelque vertu, quand il procède de celle-ci impérativement. D’où l’exemple suivant : la Chasteté, voyant que, pour préserver la pureté, l’abstinence est nécessaire, ordonne le jeûne, ordonne les disciplines, ordonne de fuir les femmes et leur commerce. Et ces actes peuvent être élicites par l’effet des autres vertus. Pense que le jeûne provient de la vertu de l’abstinence, ou même de la vertu d’obéissance ; c’est le cas à propos des préceptes de jeûne émanant de l’église. Il faut donc noter qu’il n’est aucune vertu qui, dans quelque cas spécial, ne puisse commander à une autre.
Cependant il est bien vrai que la Charité, comme une reine de toutes les vertus, grâce à sa nature et à sa dignité, a sur toutes un pouvoir universel. Un exemple familier : le roi de France dans tout son royaume a un pouvoir universel, bien que, sur quelque territoire spécifique, ce soit quelque maître spécifique et particulier qui ait le pouvoir.
Remarque cependant que, comme on dit généralement, d’une seule vertu ne provient qu’un seul acte ; que cela doit être compris de l’acte principal, formel et final provenant de la vertu elle-même et de façon élicite. En effet le philosophe indique plusieurs actes de la Prudence : c’est-à-dire délibérer, juger, prescrire ; cependant un seul acte sera principal et issu de façon élicite de la Prudence, et tous les autres seront issus de l’eubulia et de la gnomé [xlviii]. Si cependant des comportements particuliers issus de la Prudence étaient présentés comme distincts, aie toujours pareillement (conformiter) à l’esprit que si, la raison d’accomplir une œuvre précise varie, varie aussi la vertu de cette œuvre. D’où l’exemple suivant : s’affliger ou pleurer, si cela concerne une offense commise contre Dieu, cela est appelé
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acte de pénitence. Mais si cela provient de la compassion éprouvée pour le malheur d’un proche, cela est appelé acte de miséricorde. Mais si c’est provoqué par l’éloignement ou par l’absence d’un être aimé ou d’un ami, cela est appelé acte de charité ou d’amitié.
Un acte ou une œuvre sont dits exister « de façon vivifiante » par l’effet de la Grâce et de la Charité, quel que soit le degré auquel ils sont provoqués ou commandés par une autre vertu. En effet seule la Charité est la vie et la forme de toutes les vertus ; sans elle, toutes les œuvres sont, en vue de l’obtention de la vie éternelle, mortes. Ainsi elle est appelée elle-même seuil de toutes les vertus, parce qu’aucune vertu ne peut, sans la Charité, atteindre le seuil de la félicité et de la béatitude.
Mais si quelqu’un désirait savoir si un comportement de vertu est plus parfait qu’un acte ou une œuvre de vertu, qu’il voie Richard dans 4, distinction 24, article 6, question 2. Et il conclut qu’un acte est plus parfait qu’un comportement.
Voyons maintenant, pour établir la vérité sur la question[xlix] et en développer l’expression, pour quelque œuvre de 1. la Vierge que ce soit, de quelle Vertu[l] elle a procédé. Donc concernant les deux premières œuvres il est évident
2. que la Vierge Marie a d’abord consacré dans ce siècle sa virginité et que Joseph prit comme épouse une vierge. Nulle difficulté que cela a procédé de la vertu de Chasteté. Mais certains pensent que la seconde œuvre a procédé de l’Obéissance. Ils disent en effet que la Vierge après son vœu n’aurait d’aucune manière contracté un mariage si Dieu ne l’avait pas miraculeusement désignée à elle-même, et que telle était la volonté de Dieu, à qui elle obéit elle-même. A propos de ce miracle concernant ses fiançailles, tu trouveras çà et là des indications ; si toutefois tu veux chanter plus haut et appréhender plus finement comment un vrai mariage s’établit en ce vœu de virginité et accrut et rehaussa la virginité plutôt qu’il ne la diminua. Vois le docteur[li] en 4, distinction 30 et de magistris dans le traité de la Tempérance ; et tu sauras que des fiançailles de ce genre ont procédé aussi de la vertu de Virginité ou de Charité.
A propos de la troisième œuvre selon laquelle la vierge Marie fut troublée,
CHAPITRE V
Il est évident que cet acte fut celui de plusieurs vertus ; cependant ce fut principalement un acte de l’Humilité et de la Crainte filiale.
4. La quatrième œuvre, c’est-à-dire que la Vierge Marie réfléchissait avec une extrême prudence à la façon de voir avec discernement, fut un acte de la Prudence dont l’office est de rien dire ni faire précipitamment.
5. A propos de la cinquième œuvre, c’est-à-dire que la Vierge Marie interrogea Gabriel, il n’y a pas de difficulté : ce fut un acte de la vertu de Chasteté.
6. De même, à propos de la sixième, selon laquelle la Vierge Marie répondit finalement à Gabriel…etc. ce fut un acte de l’Humilité et de l’Obéissance.
7. Mais à propos de la septième œuvre, c’est-à-dire que la Vierge Marie conçut alors le Fils de Dieu, il existe une difficulté plus grande. Car dans la conception du fils de Dieu on trouve trois actions. La première, de l’Esprit Saint, au sujet de laquelle nous ne faisons pas de recherche. La seconde, de la nature, si l’on soutient que la mère aussi se comporte de façon agissante dans la conception de son enfant ; à propos de ce point, vois le docteur, livre 3, distinction 4. La troisième est une opération de la volonté, à propos de laquelle nous cherchons évidemment quelle vertu et quel acte de cette vertu étaient requis et exigés par avance en la Vierge pour qu’elle mérite de concevoir le Fils de Dieu, j’ai lu trois opinions. L’une dit que la Vierge conçut grâce à la Foi, la seconde grâce à l’Humilité, la troisième grâce à la Virginité. Quant à moi je crois qu’une conception des plus excellentes de ce genre requérait et exigeait par avance en la Vierge la plénitude de toutes les Grâces ; et qu’alors toutes les vertus ressortaient dans ses actes : la Foi, l’Humilité, la Virginité, et une très fervente Charité.
8. A propos des huitième, neuvième et dixième œuvres, c’est-à-dire que la Vierge Marie s’éloigna dans la montagne, 9. puis entra dans la maison de Zacharie, puis salua Elizabeth, il n’y a pas de difficulté : ce furent des actes de
10. l’Humilité, de la Piété, et l’Obéissance s’y est jointe. Car la Fils de la Vierge conduisait sa mère vers le fils de la femme stérile. Ce qu’a dit la Vierge quand elle salua Elizabeth n’est pas écrit dans l’Evangile, c’est pourquoi des gens divers ont dit diverses choses. Les uns ont dit que la Vierge dans ses salutations avait coutume de dire :
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CHAPITRE V
« La paix soit avec toi et la paix soit avec vous» et que le Fils avait appris cette salutation de sa mère. D’après d’autres elle disait : « Deo gratias », parce qu’elle avait fait à Dieu deux vœux : ceux de Virginité et de Vérité. Ainsi, afin de ne de rien proférer de contraire à la vérité, elle avait pris l’habitude de dire dans toute salutation « Deo gratias ». Note cependant que, comme je l’ai dit[lii], la vérité est double : politique qui fuit le mensonge et évangélique qui fuit les paroles oiseuses, et c’est de cette vérité dont la Vierge avait fait voeu. D’après d’autres, elle a dit : « Je te salue, mère du précurseur du rédempteur du genre humain ». D’après d’autres, qui s’appuient sur cette parole « Heureuse toi qui as cru », cette salutation fut un acte de la vertu de Foi, parce qu’elle a répondu : « Heureux qui aura cru Celui que ton fils aura annoncé.»
11. A propos de la onzième œuvre selon laquelle la Vierge Marie crut, il est évident que c’est un acte de la Foi.
12. A propos de la douzième œuvre selon laquelle la Vierge Marie exprima ce cantique des cantiques : « Magnificat, etc. », il est évident que c’est un acte de la Louange et de la vertu de Dévotion ou de la Prière.
13. A propos de la treizième œuvre selon laquelle, évidemment, la Vierge Marie retourna ensuite à Nazareth, il est clair que, comme pour tous ses retours à Nazareth, ce fut l’œuvre de la Prudence et de la Prière, conformément à ce que nous voyons chez les personnes pieuses[liii] et lisons de Saint Antoine de Padoue, parce qu’elle recherchait des lieux propices à la Dévotion et à la Prière.
14. A propos de la quatorzième œuvre, selon laquelle la Vierge Marie obéit au commandement de l’empereur, il est limpide que c’est un acte de l’Obéissance qui donne par surcroît.
15. Et je dis de même, à propos de l’œuvre 15 selon laquelle la Vierge Marie se déclara soumise à l’empereur : tout un chacun dirait que c’est un acte de l’Humilité.
16. A propos de la seizième œuvre et des suivantes, jusqu’à la vingt et unième exclusivement, selon lesquelles,
17. évidemment, elle fut hébergée dans un lieu pauvre, puis dans le dit lieu mit au monde son Fils, et l’enroula dans des 18. morceaux d’étoffe ; puis selon lesquelles la Vierge allaita le Fils de Dieu
CHAPITRE V
19. d’un sein plein de ciel, il est manifestement évident que tu trouveras dans cette étable, avec le bœuf et l’âne,
20. tous les anges et toutes les vertus. Cependant, deux d’entre elles dirigeaient tout : la souveraine Pauvreté et la souveraine Piété sous la domination de la reine la Charité.
21. A propos de l’œuvre 21 selon laquelle, évidemment, la Vierge Marie conserve toutes les paroles des bergers et des mages, il est clair que c’est l’œuvre de la Prudence.
22. A propos de l’œuvre 22 selon laquelle la Vierge Marie emmena son fils à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, il est clair que c’est l’œuvre de l’Obéissance à la loi divine et l’œuvre de la Prudence, comme plus haut.
23. A propos des œuvres 23 et 24 selon lesquelles, évidemment, elle offrit une paire de tourterelles puis revint à
24. Nazareth, il est clair que c’est l’œuvre de l’Obéissance à la loi divine et l’œuvre de la Prudence, comme je l’ai dit plus haut.
25. A propos de l’œuvre 25 selon laquelle, évidemment, la Vierge Marie fuit en Egypte, il est manifestement clair que c’est un acte de la Compassion, de la Prudence et de la Charité.
26. A propos de l’œuvre 26 selon laquelle, évidemment, la Vierge Marie retourne ensuite en terre de Judée, il a déjà été question des déplacements de ce genre ; dis aussi comme ci-dessus.
27. A propos de l’œuvre 27 selon laquelle, évidemment, la Vierge Marie, par crainte d’Archélaos, revint à Nazareth, il est clair que c’est un acte de la Miséricorde et de la Prudence.
28. A propos des œuvres 28 et 29 selon lesquelles, évidemment, la Vierge Marie montait au temple chaque année et
29. chercha pendant trois jours son Fils qui était resté à Jérusalem, il est manifestement clair que ce sont des actes de la Prudence et de la Dévotion.
30. A propos de l’œuvre 30, bien entendu selon laquelle la Vierge Marie trouva son fils le troisième jour, il est clair que c’est un acte de l’Amour, de la Piété et de la Prudence.
31. A propos de l’œuvre 31, bien entendu selon laquelle la Vierge Marie déclara à son fils retrouvé : « Fils, que nous… » etc., il est clair que c’est un acte de l’Amour et même de la Prudence héroïque.
CHAPITRE VI
32. A propos de l’œuvre 32, bien entendu, « …la Vierge Marie conservait… » etc., il est clair, d’après ce qui a été dit précédemment, que c’est l’œuvre de la Prudence.
33. A propos de l’œuvre 33, selon laquelle, bien entendu, Marie retourna à Nazareth, il est clair que c’est l’acte de la Prudence et de l’Amour.
34. A propos de l’œuvre 34 selon laquelle, bien entendu, la Vierge Marie se rendit aux noces, il est clair que c’est un acte de la Piété envers le prochain, de l’Obéissance et de l’Humilité.
35. A propos de l’œuvre 35 selon laquelle évidemment la Vierge, « …le vin manquant… » etc., il est clair que c’est l’œuvre de la Miséricorde et de la Piété.
36. A propos de l’œuvre 36 selon laquelle évidemment la Vierge Marie dit aux serviteurs : « Tout ce qu’il aura dit… » etc., il est clair que c’est un acte de l’Amitié, de la Charité et de la Prudence.
37. A propos de l’œuvre 37 selon laquelle la Vierge Marie descendit à Capharnaüm avec son fils, il est évident que c’est l’œuvre de la Prudence et de la Dilection filiale.
38. A propos de l’œuvre 38 selon laquelle, bien entendu, Marie cherchait à parler à son fils et à le voir, il et clair que c’est l’œuvre de la Dilection.
39. A propos de l’œuvre 39 selon laquelle Marie se tenait devant la croix, il est clair que c’est l’œuvre de la Compassion et de l’Amour.
40. A propos de l’œuvre 40, selon laquelle, bien entendu, elle persévérait avec les apôtres, il est clair que c’est l’œuvre de la Prière, de la Patience, de l’Espérance, de la Compassion et de la Piété.
Chapitre 6
Q
uatrièmement il était demandé si la vie de la Vierge avait été mise par écrit par les évangélistes de façon suffisante et parfaite, à travers ses quarante œuvres susdites. En effet beaucoup s’étonnent, se demandant pourquoi les évangélistes ont écrit si peu de choses à propos de la Vierge Marie. Quant à moi, je crois que les évangélistes ont écrit grâce à l’Esprit saint et je crois que tous ceux qui sont chrétiens le croient. Je crois aussi que, sous la dictée de l’Esprit Saint, ils n’ont rien écrit de superflu, ni rien retranché.
CHAPITRES VII et VIII
Je conclus donc qu’ils ont écrit à propos de la Vierge de façon tout à fait suffisante. Quant à nous, si nous comprenions ce que nous ne pouvons comprendre sans avoir auparavant compris les trois questions suivantes... ; parlons donc d’elles d’abord[liv].
Chapitre 7
L
a question cinq était de savoir si dans l’Eglise de Dieu il n’y avait que deux perfections. Et la question six de savoir s’il n’existait que dix commandements de Dieu. Sur ces deux questions, je passerai, parce que les docteurs les ont clarifiées un peu partout dans le troisième[lv]. Il est certain en effet que le Christ a exercé et enseigné toute perfection possible pour le voyageur. Donc, comme il a enseigné qu’il ne fallait pratiquer que les commandements et les conseils, il s’ensuit qu’il n’y a que deux perfections dans l’Eglise de Dieu, si nous parlons de la perfection qui réside dans les actes et les œuvres humaines, ce dont il s’agit pour cette proposition. De même, concernant la sixième question, le commun des hommes reconnaît et dit qu’il n’y a que dix commandements de Dieu. Et le Livre de l’Exode, 20, les contient. Donc venons-en à la septième question.
Chapitre 8
I
l était demandé septièmement si le Christ n’avait ajouté que dix conseils évangéliques aux dix commandements de Dieu. Réponse. Ici nous ne parlons pas du conseil politique, c’est-à-dire quand l’on conseille quelqu’un un pour quelque chose. Mais nous parlons plus strictement du conseil évangélique dans la mesure où on le distingue d’un commandement, parce que, par les commandements, tous sont obligés, mais par les conseils personne ; ainsi s’agissant des commandements, il y a obligation, mais s’agissant des conseils, liberté, à moins que quelqu’un ne se soit préalablement obligé volontairement à les suivre. Je crois cependant qu’un conseil évangélique peut être dit politique. Et politique tout à fait parfaitement, parce que par le Christ, maître
CHAPITRE VIII
et conseiller, est donné la façon de régir tout à fait parfaitement la politique humaine. Mais à propos des conseils du type qui nous intéresse, nous pouvons étudier trois points, selon les trois questions qui se rencontrent en logique à propos d’une proposition : quels sont-ils? De quelle nature sont-ils? Combien sont-ils?
Et s’agissant de dire quels ils sont, c’est-à-dire ce qu’est le conseil évangélique, c’est assez clair : une œuvre bonne est donnée par le Christ sans obligation en raison de son caractère ardu et de la difficulté à l’accomplir ; de même qu’un commandement est donné par Dieu avec obligation en raison de son intérêt et de la facilité à l’accomplir.
C’est un fait que les commandements autant que les conseils concernent, comme on dit généralement, des actes de vertu.
Mais, s’agissant de la question de savoir de quelle nature ils sont, la difficulté est plus grande ; et s’agissant de la question de savoir combien ils sont, la difficulté est extrême.
Donc à propos de leur nature, c’est-à-dire de quelle nature sont les conseils, j’ai trouvé deux opinions.
La première pose que commandements et conseils ne concernent aucunement le même objet ; et c’est pourquoi il est considéré que les conseils dépendent de certaines vertus selon les uns, c’est d’autres vertus, selon les autres, que les commandements concernent. En raison de la parole selon laquelle nous sommes astreints impérativement à avoir la Foi, l’Espérance et la Charité, les conseils ne sont pas donnés relativement à ces trois vertus, puisque elles sont obligatoires ; et que tous nous sommes astreints à les avoir. Mais les conseils sont donnés relativement à d’autres vertus : songe à celles de pauvreté, de chasteté, d’obéissance, de patience, de jeûne, de silence, à celles de ce genre ; elles sont surérogatoires.
La deuxième opinion défend le point de vue opposé, en soutenant qu’un commandement et un conseil peuvent concerner la même vertu et le même acte, bien que ce ne soit pas au même degré. Et c’est là l’opinion de Saint Bonaventure.
Ainsi c’est relativement à la Charité qu’a été donné le commandement que voici: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain… » etc. « En ces deux commandements… » etc. Et il a été donné aussi un conseil, au travers de cette parole : « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : « Tu aimeras ton ami et tu auras de la haine pour ton ennemi », mais moi je vous dis : « Aimez vos ennemis. » »
Donc pour comprendre cette opinion, il faut savoir que, à propos de toute vertu et toute apparence de vertu, il peut exister
CHAPITRE VIII
un commandement ou un conseil. Tu dois donc être particulièrement attentif aux vertus à propos desquelles les préceptes ont été donnés, et aux vertus particulières à propos desquelles les conseils ont été donnés.
Ensuite tu dois être attentif au degré des vertus elles-mêmes à propos desquelles les commandements ont été donnés. En effet un commandement concernera une vertu à un degré moindre ; et un conseil concernera la même vertu à un degré intense. Et c’est pourquoi j’ai dit qu’un commandement et un conseil peuvent concerner un même objet ou une même vertu mais non pas au même degré. Bien plus de grands docteurs disent qu’un commandement est toujours accompagné d’un conseil.
Tu dois aussi être attentif à ceci : les commandements et les conseils ne concernent pas toutes les vertus ; bien plus, il y a beaucoup de vertus à propos desquelles Dieu n’a donné ni commandement, ni ( du moins explicitement) conseil. Cependant toutes les autres vertus peuvent être rattachées à celles que concernent les conseils donnés par le Christ[lvi]. Et en faisant attention et en réfléchissant à ces points, quelqu’un peut acquérir l’art et la science qui concernent les conseils évangéliques, afin de les posséder plus complètement.
Il faut noter d’abord que quelques fondateurs des ordres religieux ont pu donner quelques conseils dont le Christ dans l’évangile n’a jamais fait expressément mention verbalement. C’est assez clair concernant la marche pieds nus, le fait de ne pas monter à cheval, des choses de ce genre. Cependant ces conseils peuvent être contenus implicitement dans les actions qu’a faites le Christ, lui qui a tenu sur terre un discours abrégé ; parce que toute action du Christ nous instruit. C’est pourquoi les conseils évangéliques doivent être reçus autant des écrits qui concernent le Christ que des actions que le Christ a faites.
Voyons maintenant quelle quantité en distinguer c’est-à-dire combien il y a de conseils évangéliques.
CHAPITRE VIII
Je lis quatre opinions sur le nombre des conseils évangéliques et leur quantité.
La première de saint Bonaventure[lvii], dans l’Abrégé de Théologie, saint Bonaventure que suit la (secunda secundae ?)… dol…, partie 2, chapitre 12, indique douze conseils, c’est-à-dire les conseils de Pauvreté ;
Obéissance ;
Chasteté ;
Charité ;
Mansuétude ;
Miséricorde ;
Simplicité de parole ;
Eviter les occasions de péché ;
Rectitude d’intention et de but ;
Conformité de l’œuvre à la doctrine ;
Eviter l’inquiétude ;
Correction fraternelle.
La deuxième opinion aux douze conseils précédents en ajoute dix : Foi ; Espérance ;
Humilité ; Prière ;
Prudence ; Justice
Fardeau de la Croix ;
Jeune et abstinence ;
Vêtement ;
Persévérance.
La troisième opinion aux 22 conseils précédents en ajoute quatre : Chagrin ;
Soif de justice ;
Paix ;
Edification exemplaire.
La quatrième opinion n’en indique que dix, c’est-à-dire les conseils de Chasteté et Pureté ;
Prudence ; Humilité ;
Vérité ;
Louange ou Prière ;
Obéissance ; Pauvreté ;
Patience ;
Piété ou Miséricorde ;
Compassion ou Fardeau de la Croix.
CHAPITRE VIII
Or cette quatrième opinion énumère tous les conseils évangéliques et les met en rapport avec les dix Vertus de la Vierge énoncées plus haut, qui sont dites héroïques et de surérogation en fonction de leur degré, conformément à l’opinion que j’ai mentionnée au sujet de leur nature.
Mais deux choses, à mon avis, doivent être faites à propos de ces opinions. D’abord citer les justifications qu’avance pour elle chaque opinion. Ensuite montrer laquelle de ces quatre opinions est la plus vraie.
Donc, d’abord, la première opinion avance pour elle, pour le premier conseil, ceci : Luc, 14, « Celui qui n’aura pas renoncé à tous ses biens ne peut être mon disciple » ; et Matthieu, 19.
A propos du deuxième conseil, il y a ce passage : « Sur la chaire de Moïse scribes et pharisiens étaient assis, qui disent : Faites…» etc.
A propos du troisième conseil il est dit : « Des eunuques se sont mutilés à cause du royaume de Dieu. » Et il y a ce passage de Matthieu : « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : tu ne commettras pas d’adultère. Mais je vous dis, moi, que qui aura regardé une femme pour la désirer…» etc.
A propos du quatrième conseil, il y a ceci : « Aimez vos ennemis », Luc, 6.
A propos du cinquième, Matthieu, 5 : « Si quelqu’un te frappe à une joue, offre-lui l’autre. »
A propos du sixième, il y a ceci : « Distribue à tout homme qui te demande. » Et ceci : « Si tu veux être parfait, va et vends tout ce que tu as…» etc.
A propos du septième, c’est ce passage : « Si votre parole est oui, c’est oui ; non, c’est non. » Et le passage suivant nous ramène à ce conseil : « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : tu ne te parjureras pas. Mais moi je vous dis de ne pas jurer du tout. »
A propos du huitième conseil, qui est d’éviter les occasions de péché, ce passage est proposé: « Si ton œil te scandalise, arrache-le. »
A propos du neuvième, il y a ceci : « Soyez attentif à ne pas pratiquer votre justice devant les hommes…» etc. De même : « Que ta main gauche ignore…» etc. De même : « Que vos œuvres resplendissent devant les hommes, pour qu’elles glorifient votre Père qui est dans le ciel. »
A propos du dixième, il y a ceci : « Ils lient des charges trop lourdes et impossibles à porter ; mais ils ne veulent pas y toucher avec un doigt. » Et de même : « Hypocrite, retire la poutre
D
CHAPITRE VIII
de ton œil » etc.
Pour le neuvième (sic), il y a ceci : « Ne sois pas inquiet » ; et ceci : « Ne songez pas à demain. »
Au sujet du douzième, il y a ceci : « Si ton frère a péché contre toi, va…» etc.
Ecoutons ce qu’allègue en sa faveur la seconde opinion à propos du premier conseil, c’est-à-dire la Foi ; ils avancent ceci : « Je n’ai pas trouvé une si grande foi en Israël », et le passage à propos du grain de moutarde. Donc ils disent qu’en relation avec les trois vertus théologiques, il existe trois conseils -à supposer que nous puissions les recevoir conformément à leur degré d’excellence, parce que personne n’est tenu de les pratiquer à un tel degré ; et ils ne relèvent pas de l’obligation mais de la perfection et de la surérogation.
Le premier conseil est celui de la charité dont il a été traité à propos de l’opinion de saint Bonaventure.
Le deuxième conseil est celui de la Foi dont il vient tout juste d’être traité.
Pour le conseil de l’espérance ils avancent ceci : « Ne pensez pas à demain ». Et ceci au sujet de Pierre : « Toi qui es de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?» Et ils disent que foi est pris au sens de confiance, ou d’espoir et d’assurance.
En faveur du conseil d’humilité, ils avancent ceci : « Recevez de moi des leçons parce que je suis doux et humble de cœur. » Et ceci : « Lorsque tu auras été invité à des noces…» etc. Justement ils disent que c’est à propos de ce conseil que le Christ a prêché contre les pharisiens qui faisaient tout pour paraître devant les hommes, plus qu’à propos d’un quelconque autre conseil. C’est pourquoi le Christ a recherché toujours la gloire de son Père et non la sienne.
En faveur du conseil de louange, ils avancent que le Christ a appris aux apôtres à prier. En faveur de ce conseil, il y a aussi que lui-même le leur enseigna par l’exemple, lorsqu’il monta prier sur la montagne.
En faveur du conseil de prudence, ils avancent ceci : « Soyez prudents comme des serpents. » Et « Vous êtes le sel de la terre » ; « Vous êtes la lumière du monde. »
En faveur du conseil de justice, ils avancent ceci : « Si votre justice ne surpasse pas en abondance celle des pharisiens, vous n’entrerez pas au royaume des cieux. » Et cette parole du Christ : «… ainsi il faut que nous accomplissions toute justice. »
En faveur du conseil de force et persévérance, ils avancent ceci : « Soyez forts dans la guerre…» etc. Et ceci : « Qui aura persévéré jusqu’à la fin sera sauvé…. » etc.
En faveur du conseil
CHAPITRE VIII
de compassion, ils ajoutent ceci : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il porte sa croix » ; et ceci : « Le calice que moi je boirai… » etc. ; et ceci : « Certes vous boirez à ma coupe » ; et ceci dans le jardin : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » ; puis : « Soutenez avec moi …».
Pour le conseil d’abstinence ils avancent ceci : « … aussi longtemps que le fiancé est avec eux. Les jours viendront… » etc. ; et le passage où les apôtres arrachaient des épis et les mangeaient.
Pour le conseil de la simplicité du vêtement ils avancent ceci : « Voici, ceux qui sont dans les demeures des rois sont vêtus élégamment…. »
Ecoutons aussi ce que la troisième opinion avance en sa faveur. Donc au sujet du premier conseil, c’est-à-dire le chagrin, elle avance ceci : « Heureux ceux qui s’affligent », Matthieu, 5.
Pour le second ceci : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice », ibidem.
Et ceci pour le troisième : « Heureux les pacifiques », ibidem.
Pour le quatrième ils avancent ceci : « Vous êtes la lumière du monde. Vous êtes le sel de la terre.» ; et ceci : « Que vos actions resplendissent devant les hommes.»
Les justifications concernant la quatrième opinion ont déjà été données ci-dessus.
Il ne nous reste donc qu’à voir laquelle de ces opinions est la plus proche de la vérité. Le meilleur jugement étant sauf, je pense que c’est la quatrième. Non pas parce qu’elle est plus brève et qu’on ne doit pas multiplier les distinctions sans nécessité, mais plutôt parce qu’elle est plus conforme à l’évangile et à la raison. Donc on peut avancer en faveur de cette opinion ceci : la veuve dont le Christ a fait la louange offrit deux petites pièces ou deux deniers, c’est-à-dire un denier de commandements et un denier de conseils. Mais pour que la vérité de cette quatrième opinion apparaisse plus clairement, il convient d’y ramener les trois premières ; et de montrer que les douze conseils de la première opinion, les vingt-deux de la deuxième, les vingt-six de la troisième, ne sont pas différents des dix indiqués dans la quatrième.
En effet, en ce qui concerne les trois conseils essentiels, chaque opinion les mentionne.
Donc concernant le conseil de charité, il n’y a de fait aucune controverse. Car la piété dans la quatrième opinion est comprise comme une parfaite charité ; et c’est pourquoi les conseils
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CHAPITRE VIII
de charité ou de miséricorde et de piété sont les mêmes.
Concernant le conseil de mansuétude, il est aussi évident que les conseils de patience, d’équanimité et de mansuétude sont les mêmes; en effet une même vertu est nommée de diverses façons. Et ceux qui ignorent les termes et les acceptions des termes commettent des paralogismes et tombent dans l’erreur.
Concernant le conseil de miséricorde, il est le même que le conseil de piété, comme il a été dit.
Ainsi concernant le conseil de simplicité de parole, il est évident qu’il est le même que le conseil de vérité : c’est pour cela qu’il faut toujours avoir à l’esprit ce qui a été dit plus haut[lviii] sur le double aspect de la vérité, qui est politique si elle fuit tout mensonge, évangélique si elle fuit toute parole oiseuse ; et c’est cette dernière qui est le conseil évangélique. Donc il apparaît que le conseil de silence n’est pas différent du conseil de vérité évangélique. Il est aussi appelé par les docteurs silence évangélique, quand aucune parole oiseuse n’est proférée.
Concernant le conseil d’éviter les occasions, je ne vois pas que ce soit particulièrement un conseil évangélique ; c’est bien au contraire quelque chose de général, applicable à toute loi et tout conseil, afin évidemment que l’on se garde de ce qui conduit efficacement à la transgression de la loi ou du conseil. Cependant, si l’on voulait agir imprudemment et mépriser ce qui est un conseil particulier, je dis que l’occasion doit en être évitée et l’œil arraché. A cause du risque[lix], c’est contraire à la chasteté. Et ainsi ce conseil ramène à une chose : il n’est pas séparé de ceux de pureté et de chasteté.
Concernant le conseil de la rectitude de l’intention, il apparaît évident qu’il n’est pas différent du conseil de l’humilité, ou de louange et de gloire divine.
Concernant le conseil de la conformité de l’œuvre, il est clair que ce n’est pas un conseil spécial, tout comme ne l’est pas le conseil de persévérance, mais quelque chose de général (comme je l’ai dit) concernant le fait d’éviter les occasions. Et ce point-ci, concernant le fait d’éviter les occasions de péché, et ce point-là, concernant la persévérance, ne différent que parce que le premier, concernant les occasions de péché, est une attention au mal, que l’on doit fuir, et le deuxième, concernant l’observation de la persévérance,
CHAPITRE VIII
est une attention au bien que l’on doit faire et auquel on ne doit pas manquer, mais dans lequel on doit persévérer.
Concernant le conseil d’éviter l’inquiétude, il est clairement évident qu’il s’agit du conseil de pauvreté évangélique, qui rejette loin d’elle tout souci superflu, disant avec l’apôtre : « Ayant vivres et vêtement, je suis content. » Et ce passage : « Je sais avoir en abondance et je sais supporter la disette. »
Concernant le conseil de correction fraternelle, il est évident qu’il s’agit du conseil de piété et de miséricorde. Ainsi, se corriger aussi est présenté comme ne faisant qu’un avec les œuvres spirituelles de piété et de miséricorde.
Et ainsi il apparaît au sujet des douze conseils de saint Bonaventure qu’ils ne sont pas différents des dix énoncés plus haut.
Il me reste donc à montrer à propos de la deuxième opinion ce que j’ai montré à propos de la première, c’est-à-dire que les dix conseils ajoutés à l’opinion de saint Bonaventure ne sont pas différents des dix énoncés plus haut.
Je dis donc d’abord, concernant le conseil de foi, que la quatrième opinion le mentionne sous le nom de conseil de vérité, conformément à ce qui a été expliqué plus haut.
Concernant le conseil d’espérance, il apparaît évident, à travers ce qu’apporte cette deuxième opinion, qu’il ne diffère pas du conseil de pauvreté et de prudence. La pauvreté en effet ne se soucie pas du lendemain. Et la pauvreté évangélique ne se défie pas de son époux.
J’ai déjà parlé de la persévérance. Cependant qui veut savoir quand la persévérance est une vertu et quand elle est la circonstance d’une quelconque vertu, qu’il lise saint Bonaventure en 3, distinction 36, article 1, question 1, concernant la solution de l’argument où il dit ceci : La Persévérance a trois acceptions ; d’une part la persévérance est dite volonté parfaite de supporter les souffrances jusqu’au bout sans défaillir ; et elle est ainsi un aspect du courage. D’autre part la persévérance est dite projet de persévérer dans le bien jusqu’à la fin et elle est ainsi une condition attachée à une quelconque vertu. Enfin, la persévérance est dite continuation du bien jusqu’à la fin, et à la façon non pas d’une vertu mais plutôt d’une stabilité qui est la suite logique de toutes les vertus.
Concernant le conseil d’humilité,
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CHAPITRE VIII
il est au nombre des dix conseils.
De même les conseils de prière, de prudence et de fardeau de la Croix.
Concernant le conseil de justice, ce n’est pas un conseil spécial, comme je l’ai dit plus haut à propos du conseil d’éviter l’occasion de pécher et du conseil de persévérance.
Concernant le conseil de jeune, le Christ ne semble pas avoir donné ce conseil spécial autant que les autres. Cependant si l’on mentionnait ce conseil, il est inclus dans les conseils de chasteté et de pauvreté. Et je dis la même chose du conseil de vêtement et d’apparence misérables.
Concernant la troisième opinion qui a trop peu d’apparence, je passe outre. En effet les Béatitudes ne sont pas des conseils à proprement parler. Et si on les appelait conseils, ce serait improprement.
En outre le chagrin ou le repentir est un commandement pour ceux qui ont des (péchés) mortels.
La soif de justice est quelque chose de général qui concerne tout bien parfait autant de la vie que de la patrie ou de la gloire.
Le conseil de paix, tous le mentionnent ; mais il n’est pas distinct du conseil de mansuétude et d’humilité.
De même le conseil d’édification exemplaire est bien contenu dans le conseil de saint Bonaventure concernant la conformité des œuvres à la doctrine : mais si l’on voulait soutenir que les religieux, au delà de leurs vœux, étaient tenus à l’effort nouveau et spécial de donner l’exemple, alors ceux qui feraient quelque bien en secret pécheraient mortellement, non pas parce qu’ils feraient quelque chose de bien, mais parce qu’ils ne donneraient pas le bon exemple. Mais je ne suis pas de cet avis, à moins que d’aventure cela ne soit souvent validé (qualificaretur). En outre, même si cela était vrai, il s’agirait de quelque chose de général concernant tout bien qui est l’objet d’un conseil.
Il apparaît donc après analyse que dix conseils précisément ont été donnés par le Christ et qu’ils ont été ajoutés aux dix commandements de Dieu. En eux consiste toute perfection héroïque et surérogatoire possible en cette vie.
CHAPITRE NEUF
CHAPITRE IX
I
l était demandé huitièmement si la perfection des conseils était plus grande que la perfection des commandements et il apparaît clairement qu’il en est ainsi, d’après la parole du Christ qui disait à celui qui observait les commandements : « Si tu veux être parfait, va, vends…» etc. ; voilà qu’il ajoute des conseils aux commandements, comme quelque chose de plus parfait. Et tous généralement admettent ce point suffisamment.
Or à partir de l’ensemble des trois questions précédentes[lx], je reprends la réponse à la quatrième : c’est-à-dire que la vie de la Vierge Marie a été écrite tout à fait parfaitement par les évangélistes, et même qu’il n’était pas possible, en aucune façon, de la décrire mieux que ne l’ont décrite les évangélistes. Grâce à quoi ils ont montré effectivement que la Vierge avait observé tout à fait parfaitement tous les commandements et tous les conseils de Dieu et du Christ. Et c’est en une tout à fait parfaite observance de cette nature que consiste la perfection tout à fait parfaite et authentique possible pour l’homme voyageur. Par conséquent ils ont montré que la vie de la Vierge avait été des plus parfaites. Et ils avaient l’intention de le montrer. Et donc on voit de façon resplendissante comme l’Esprit saint est pieux et comment il est l’artisan de tout, possédant tout art, prévoyant tout, lui qui de façon tout à fait subtile et artiste a inspiré aux évangélistes de décrire sous son injonction la vie de la mère de Notre Sauveur Jésus Christ.
CHAPITRE DIXIEME
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CHAPITRE X
I
l était demandé neuvièmement, à propos des cinq Plaies du Christ et du nombre de douleurs de sa mère, si elle étaient sans nombre. Réponse : j’ai assez dit que les Vertus étaient en nombre déterminé, c’est-à-dire, dix, les Oeuvres quarante; les Dévotions trois et les Honneurs douze. Il ne nous reste donc qu’à dire, à propos des cinq Plaies du Fils, pourquoi Il n’en conserva que cinq. Et maintenant, loin d’abandonner, les personnes pieuses doivent s’élever à de plus hautes méditations.
Je dis que le rite de l’Eglise semble suffisamment attester que cinq plaies seulement demeurèrent sur le corps du Christ, une fois accomplie la rédemption du genre humain.
CHAPITRE X
Il existe en effet à leur propos une messe spéciale et un office ecclésiastique. En outre on lit que le Christ n’a montré aux apôtres que les cinq Plaies en question. Cependant je veux faire brièvement deux remarques à propos de ces cinq Plaies. D’abord que le Christ n’a gardé que des Plaies causées par le fer ; il a guéri toutes celles que le fouet et les épines ont causées et n’a gardé que celles qui lui furent infligées sur le gibet de la croix. Deuxièmement je dis qu’il n’en a reçues que cinq pour cinq raisons, c’est-à-dire pour élever la Foi, ériger l’Espérance, enflammer la Charité, donner refuge et repos, juger des biens et des maux.
Mais concernant les Douleurs de sa mère, j’affirme qu’elles ne sont pas mentionnées en nombre déterminé dans l’évangile ; c’est pourquoi chacun a pu les contempler selon sa propre dévotion ; donc il s’est trouvé que certains n’en comptèrent que cinq, d’autres sept, d’autres certes dix, d’autres quinze, d’autres quarante, d’autres cent, comme saint Vincent ; quant à moi, m’appuyant sur l’évangile, je crois que l’opinion qui en compte dix est meilleure et nous fait toucher plus haut ; cependant je ne réprouve aucune des autres, car toutes me plaisent et servent la dévotion. Mais celle-ci suit la vérité évangélique plus visiblement.
En effet la première douleur de la Vierge se produisit à l’occasion des paroles de Syméon.
La seconde, lors de la fuite en Egypte, à cause de la très cruelle persécution d’Hérode.
La troisième, quand Jésus resta au Temple, sans que sa mère sache où il était.
La quatrième, quand elle entendit que son Fils avait été pris par les Juifs et abandonné par les apôtres.
La cinquième, quand elle alla à la rencontre de son Fils qui portait sa croix sur son dos.
La sixième, quand elle vit et entendit qu’on Le crucifiait.
La septième, quand elle Le vit mourir.
La huitième, quand elle Le vit recevoir un coup de lance, avoir le côté ouvert et qu’il en sortait du sang et de l’eau.
La neuvième, quand Il fut descendu de la croix et que, contre son sein, sa mère Le contemplait pieusement.
La dixième fut lorsqu’Il fut retiré du sein de sa mère et placé au tombeau et que sa mère retourna à Jérusalem sans son Fils.
Mais je crois avec saint Thomas
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CHAPITRE X
d’Aquin que sa mère, depuis l’heure où elle entendit les paroles de Syméon, quand elle ressentit la première douleur, souffrit dans son cœur sans cesse, continuellement, en méditant précisément les paroles de Syméon et les tourments que son Fils souffrirait. C’est pourquoi l’Ecriture ne mentionne pas un nombre déterminé de douleurs, indiquant implicitement que la douleur de la mère n’est pas d’une quantité qu’on décompte mais d’une quantité continue, parce que la douleur de la mère était continuelle.
A propos de la question dix, je ne ferai pas de chapitre distinct. Moi qui écris ces mots, j’en atteste : à Rome j’ai obtenu du souverain Pontife, en une réponse donnée de vive voix, des indulgences pour les vertus susdites. Et j’espère en la Vierge pour que soient accordées dans le futur des indulgences beaucoup plus nombreuses. Un chapitre plus long pourrait être alors écrit sur les grâces et les indulgences accordées à cette sainte fraternité pour le salut des âmes et la gloire de la très bienheureuse Vierge Marie.
De toutes les choses qui ont été dites auparavant, le lecteur avisé est capable de dégager, concluant avec netteté, les points suivants : les frères et les sœurs de la confraternité ont à faire trois choses, dire trois choses, porter trois choses.
D’abord, le matin, se rassembler en proposant d’accomplir les bons plaisirs de la Vierge en cette journée ; ensuite, pendant cette journée elle-même, ils ont à accomplir ce qui a été proposé ; troisièmement, le soir, ils doivent rendre compte de ce qui a été accompli.
Dire trois choses à l’office solennel : dix Ave Maria pour le premier bon plaisir, et dix autres pour le deuxième ; de même dix autres pour le troisième, en faisant précéder chaque dizaine d’un Notre Père[lxi]. Afin qu’on ait en mémoire les trente trois années que le Christ vécut en ce monde, en comptant du jour de sa conception.
Porter trois choses, c'est-à-dire porter une image sur laquelle se trouvent les trois bons plaisirs de la Vierge Marie.
GRACES A DIEU ET A MARIE.
MARIE
MESSE DES DIX VERTUS
ou des bons plaisirs de la Vierge Marie.
Introït. « Salve sancta parens », etc.
Oraison. « Famulorum tuorum », etc.
Epître. Lecture de Malachie, comme dans la messe « in purificatione ».
Graduel. « Cum essem parvula placui altissimo » , et même
« Et de meis visceribus genui deum et hominem . »
Alléluia, et même : « Haec est Maria mater dei et virgo quae in diebus suis semper placuit deo. » (Voici Marie, mère de Dieu et Vierge, qui au cours de ses jours plut toujours à Dieu.) Alléluia.
Sequentia[lxii]
Gaudet justorum coetus laetus cantat decorus chorus coelestis curiae.
Audet turma devota tota mente sinceras veras melodes promere.
Pollet germine vivo : divo maria corde sorde caret et peccato.
Decem sunt quae Mariam piam laudant in mundo summo quoque in Olympo.
Castitas virginalis : salis et prudentia : entia universa mersa duxit fortiter.
Humilitatis forma : norma et veritatis satis est Maria : via coelorum pariter.
O Mater quam devota nota coelesti regi legi cuius subiecta recta semper o virgo pro nobis supplica.
Paupertas generosa rosa et charitatis : datis omnibus praestat ; restat patientia maria in te reperta.
Dolorem crucifixi dixi pectus Mariae piae inhabitasse basse gladium crucis ducis sanctorum Iesu esu da frui coelice.
Ne prosperis mundanis vanis demon seducat mutet hoc dulce flamen amen : conregnans nata grato simul parenti enti aeternae gloriae.
Séquence.
L’assemblée des justes se réjouit, joyeuse elle chante, digne chœur de la curie céleste.
Le pieux bataillon ose produire de tout son cœur des chants sincères et vrais.
Sa force provient du germe vivant : Marie au divin cœur s’occupe de l’ordure et du péché.
Elles sont dix qui louent la pieuse Marie au sommet du monde, sur quelque Olympe.
Chasteté virginale, et prudence comme du sel : elle guida vigoureusement tous les êtres submergés.
Beauté de l’Humilité et règle de la Vérité suffisent en Marie : chemin des cieux toutes deux.
O mère combien dévouée, célèbre, supplie pour nous toujours le roi céleste, à sa loi soumise, droite toujours, ô vierge,
Pauvreté généreuse et rose de la Charité : tout ayant été donné, elle l’emporte ; persiste ta patience, Marie, trouvée en toi.
La douleur du crucifix, ai-je dit, a habité la poitrine de la pieuse Marie, a enfoncé le glaive de la croix de Jésus, chef des saints ; donne–nous de jouir de l’aliment céleste.
Que le démon ne nous séduise par les vaines réussites de ce monde, que cette douce brise le change, amen, si tu règnes, Fille, en même temps que ton Père reconnaissant, être d’éternel gloire.
Evangile. « Stabat iuxta crucem Iesu… » etc. Mais, lors de l’Avent, on dit l’évangile Missus est etc.
Offertoire. « Haec est filia mea dilecta in qua mihi bene
MARIE
Complacui : ipsam audite.» (Voici ma fille aimée en qui je me suis complu : écoutez-la.)
Secrète. « Dieu éternel et tout puissant qui prends soin de tous ceux qui ont confiance en toi, fais, nous te le demandons, que par l’offrande que nous t’apportons, grâce à l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie, dans chacune de nos actions nous Te plaisions parfaitement. Par notre Seigneur... »
Préface. « Vraiment il est digne et juste, équitable et salutaire que nous, toujours et en tout lieu, nous te rendions grâce, Seigneur, Père saint, Dieu tout puissant, éternel ; et que dans les dix vertus et bons plaisirs de la bienheureuse Vierge Marie nous te louions, nous te bénissions, nous te proclamions. Elle conçut Ton Fils unique sous l’ombre de l’Esprit Saint ; et par la gloire permanente de sa virginité elle répandit sur le monde la lumière éternelle : Jésus Christ notre Seigneur. Par qui Ta majesté… » etc.
Postcommunion. « Ils persévéraient tous dans la prière avec Marie, la mère de Jésus, apprenant par elle comment plaire au Christ Seigneur pour l’éternité. »
Complies. « Dieu qui, avec une admirable prudence, pour nous racheter, a fait naître Ton Fils unique d’une vierge, fais, nous Te le demandons, que par la passion de Ton Fils notre Rédempteur, par la Vierge sa mère, en toutes choses et toujours nous Te plaisions. Par le Seigneur... «
Prière de la sainte Duchesse de Berry.
« Vierge, mère de Dieu, Marie, donne-moi la grâce d’être dans ta grâce et que me plaise toute créature qui te plaît, et qu’elle me plaise pour que mon cœur te plaise plus complètement , et permets-moi pareillement de plaire à toute âme qui te plaît ; et de lui plaire au point qu’elle m’aide à te plaire plus parfaitement. Amen. »
MARIA
CHANTE SUR LE THEME DU TE deum laudamus[lxiii]: (AGRICOLA)
Toi Reine nous te louons, toi nous te proclamons notre maîtresse,
Toi, Vierge, tu as engendré Le Fils du Père éternel.
Vers toi les religieux, vers toi les frères et toutes les sœurs,
Vers toi les rangs des séraphins lancent sans cesse des cris.
Sainte, chaste, pure, maîtresse, vierge, toi qui as enfanté,
Le ciel et la terre sont pleins de la sainteté de ta grâce.
Toi, le chœur pieux de ta famille,
L’ensemble louable de la confraternité,
L’armée des vierges aux lis te louent,
Toi que la fraternité répandue par toute la terre proclame
Mère d’immense majesté.
Et elle proclame qu’il faut vénérer ton unique Fils.
Elle proclame qu’Il est conçu de l’Esprit saint.
O Vierge très prudente,
Toi, tu es la fille préférée du Père ;
Toi, par ton Humilité, tu as préparé pour le Fils du Père très Haut un ventre virginal.
La vérité fut ta compagne.
Ton esprit s’adonna toujours aux chants de louange.
La vertu d’Obéissance te porta à la droite du Fils.
Nous croyons que tu engendras le Juge.
C’est à toi donc que nous demandons d’aider tes serviteurs,
Que tu as rassemblés dans ta fraternité.
Fais que tes frères disposent de la félicité éternelle.
Fais que soient sauvés ceux qui t’invoquent comme maîtresse et donne à ta fraternité ta bénédiction.
Et régente-la et répands-la par toute la terre.
Toi qui chaque jour fus parfaitement patiente
Et brûlante toujours d’une Charité parfaite dans les siècles des siècles.
Toi qui aimas la Pauvreté, juge digne de nous garder, nous les pauvres.
Prends pitié de nous, maîtresse, en raison du glaive de la croix.
Que ta compassion, maîtresse soit sur nous, et que la lance de ta douleur nous protège.
En toi maîtresse j’ai mis mon espoir, que je ne sois pas confondu, ô Vierge Marie.
ACTIONS DE GRACES A LA VIERGE MARIE (Frère Daniel Agricola)
Pourquoi hésites-tu ? Pourquoi retardes-tu de si grandes actions de grâces ?
Il est maintenant permis qu’il naisse, tu diras, homme, qu'il naît.
O mère hautement vénérable, ô fille de l’homme,
Etoile devenue porte du ciel qui porte les astres.
Si Homère t’avait connue, il serait au comble du bonheur
Lui qui tomba très souvent dans l’invention en de plaisants amusements
C’est toi seule qu’il chanterait, consacrant à toi seule ses vers ;
Il croirait, Vierge,que tu es la seule déesse .
Toi pieuse, toi clémente, toi mère combien chaste,
Toi éternelle parure, vierge, toi mon salut.
Fleur fertile, , par la brise, Tu as enfanté heureusement
un enfant fécond, applique-toi à le détourner de la boue bestiale.
[1] Ecclésiastique, XXIV, 31.
[2] Apocalypse, 12, a
[3] Jean, 15, 13
[4] Luc, 7,b
[5] Luc, 10, f (i.e. 37)
[6] Luc, 2, g.
[7] ibidem, e
[8] Jean, 19, e.
[9] Actes des Apôtre, 2 (g?) (= 42-44)
[10] Luc, 24, b.
[11] Genèse, 2, b.
[12] Psaumes, 119 , 5.
[13] Jean, 20, g (=21, 24)
[14] Matthieu, 27, f.
[15] Luc, 1, d.
[16] Luc, 1, d
[17] Ibidem, c
[18] Luc, 2, g
[19] Luc, 1, d.
[20] Ibidem
[21] Ibidem, e
[22] Ibidem, e
[23] Actes, 1, 2
[24] Luc, 2, ?
[25] Ibidem
[26] Matthieu, 2.
[27] Luc, 2, g.
[28] Jean, 2, a ?
[29] Luc, 1, c
[30] Luc, 2, e
[31] 2, Timothée
[i] Lucerna, au sens propre, la lanterne.
[ii] Daniel Agricola, de l’Ordre des frères mineurs, auteur d’un livre sur la Passion de Notre Seigneur, imprimé à Bâle en 1514.
[iii] D’après Wikipédia, la strophe saphique en poésie médiévale se compose de 3 vers hendécasyllabes :– U – U – // U U – U – U , suivis d’un vers adonique de 5 syllabes : – U U – U
[iv] Isaïe 7, 14 peut-être ou Michée, 5, 1-2.
[v] Tacita : a long, donc ablatif.
[vi] « Torcular calcavi solus in remissionem peccatorum » (« J'ai été seul à fouler [au pressoir] pour la rémission des péchés » [Isaïe 63-3 et Luc 3-3]). Le bois de la croix est comparé à un pressoir.)
[vii] Couronne et honneur ont des lettres en commun donc l’un tire son nom de l’autre, d’une certaine façon.
[viii] Pages 14 à 17.
[ix] Cf. pages 31 et 32.
[x] Pages 26 et sq.
[xi] Saint Thomas d’Aquin, Commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard, livre 3, distinction 9, article 1, sous questions 1et 2 : Le culte de latrie est-il une vertu ? Le Tractatus renvoie pour sa part à Scot, livre 3, disctinction 9, dans la partie sur l’adoration.
[xii] Duns Scott a également écrit sur les Sentences de Pierre Lombard.
[xiii] « révélé » : ces révélations ont été faites à Sainte Jeanne de France comme l’indique le Tractatus de Confraternitat de decem Ave Maria.
[xiv] L’office double est appelé « grand office » page 13, l’office simple est appelé « petit office ».
[xv] Pages 18 et sq. je pense.
[xvi] Le sujet des indulgences est abordé de nouveau page 57.
[xvii] Per eumdem Christum dominum, selon la formule consacrée.
[xviii] Pages 26 et suivantes.
[xix] Page 56.
[xx] La question de savoir pourquoi cinq plaies seulement sont restés sur le corps du Christ est reprise page 56.
[xxi] Pro verbis dicuntur : je l’ai pris pour une redondance.
[xxii] non + subjonctif ne me semble pas grammatical.
[xxiii] Les lignes ci-dessous, concernant les huit premiers mystères de la messe , se retrouvent exactement dans le Tractatus de confraternitate de decem Ave Maria, chapitre 8 ; puis pour les mystères suivants, le Tratatus suit l’analyse mentionnée page 20 de la Lucerna, selon laquelle il y a quinze mystères..
[xxiv] Les limbes des pères accueillaient les âmes des justes qui attendaient leur rédemption avant l’avènement du Christ.
[xxv] A partir d’ici s’arrête leTractatus de confraternitate de decem Ave Maria et le Lucerna divergent.
[xxvi] In quantum homo, « en tant qu’homme » ; in quantum signifie « dans la mesure où ».
[xxvii] Le cantique d’action de grâce de Syméon est appelé Nunc dimittis (Luc, 2, 29)
[xxviii] ver mis pour vel, « ou bien » ?
[xxix] summarie est synonyme de summatim
[xxx] saint Albert le Grand a écrit une Biblia Mariae.
[xxxi] perfectio, la perfection ou le fait de réaliser complètement, l’accomplissement.
[xxxii] Les lignes suivantes, qui énumèrent les 40 œuvres de la Vierge, se retrouvent textuellement dans le Tractactus, chapitre 6. Variantes notables offertes par le Tractatus de confraternitate de decem Ave Maria : œuvre 2 , fides et prudentia ceteras praecedunt au lieu de fides ceteras praecedit ; œuvre 21, stetit septem diebus in diversorio au lieu de stetit 40 diebus in diversorio ; œuvre 32, sed conservabat confiiciens, au lieu de sed conservabat conferens.
[xxxiii] Les Vertus de la Vierge seront décrites au chapitre 4 ; dans ce chapitre 3, Gabriel Maria étudie les Œuvres de la Vierge, mais l’Œuvre 2 étant intiment liée à deux vertus, la Chasteté et la Prudence, il importait de savoir laquelle de ces deux vertus avait précédé l’autre chronologiquement, pour en déduire l’ordre chronologique des Œuvres.
[xxxiv] Quotitus, mis pour quotiens.
[xxxv] A partir d’ci le Tractatus de confraternitate de decem Ave Maria et le Lucerna divergent.
[xxxvi] Les lignes suivantes, jusqu’à la fin du chapitre V, sauf la dernière phrase qui est une phrase de transition, se retrouvent intégralement dans le Tractatus , chapitre 7 de confraternitate de decem Ave Maria.
[xxxvii] Cf. page 27 où Gabriel Maria écrit, à propos de la 5ème Oeuvre de Marie : « Mais, à mon avis, par ces paroles : « Pleine de grâce », n’est pas signifiée qu’une seule vertu : mais la réunion et le cumul et la plénitude de toutes les vertus et grâces ».
[xxxviii] specialiter, terme de logique : «spécialement » peut-être pris ici au sens étymologique, c’est-à-dire que la vertu est révélée par l’aspect, par l’apparence qu’elle a prise en étant réalisée.
[xxxix] Particulares dit le texte, particuliers, terme de logique ; ici je comprends que n’est apparente qu’une parcelle, qu’une partie de la vertu.
[xl] Une vertu quelconque apporte une perfection humaine, une vertu héroïque apporte une vertu surhumaine. Que conclure de ce premier paragraphe ? Peut-être que, puisque les Vertus de la Vierge sont héroïques et parfaites, elles ont nécessairement produit des œuvres qui leur correspondent.
[xli] ut complendum et curandum, mot à mot comme devant être accompli et en être pris soin.
[xlii] Les 10 vertus interfèrent, interagissent entre elles, s’appellent l’une l’autre. La question est reprise page 36. il est possible d’autre part que cette coopération des vertus soit une conséquence de leur perfection, puisque Gilbert Nicolai fait se succéder les deux idées de nature héroïque des vertus et d’inclusions réciproques des vertus.
[xliii] Viator, l’homme, ce pèlerin sur cette terre.
[xliv] Il est donc sous-entendu que les 40 œuvres de la Vierge ne peuvent que correspondre à ses 10 Vertus. Or si Gilbert Nicolai a déjà montré qu’il existait 10 vertus de la Vierge reliées chacune à une oeuvre mentionnée dans l’évangile, il lui reste à faire l’opération inverse : partir des 40 œuvres pour montrer qu’il n’y a que 10 vertus, c’est-à-dire qu’aucune vertu, qui serait implicitement présupposée par une œuvre, n’a été oubliée. C’est ce qu’il fera dans les pages 39 à 43.
[xlv] Dans ces lignes, l’auteur soulève une difficulté : la frontière n’est pas nette entre certaines des 10 vertus mariales, disent certains. Difficulté résolue par le raisonnement suivant : ces vertus correspondent à des comportements distincts, or des comportements distincts engendrent des vertus distinctes.
[xlvi] Saint Thomas d’Aquin a écrit des commentaires sur l’Ethique à Nicomaque d’Aristote.
[xlvii] De façon élicite : par la mise en action d’une puissance, une actuation, la conséquence d’une puissance.
[xlviii] Eubulia (bon conseil, prudence, jugement), gnomé (jugement, esprit, bon sens, droite raison, sentence), prudentia sont des termes analysés par saint Thomas d’Aquin dans sa Somme théologique (II, 2, question 48).
[xlix] Il s’agit de la 3ème question annoncée dans le prologue.
[l] Dans les lignes qui suivent, l’auteur utilisera non pas dix noms de vertus, mais vingt et un , et il sera difficile de dire à laquelle des vertus mariales rattacher espérance, miséricorde, dilection filiale, par exemple, d’autant qu’il emploie presque systématiquement l’expression « patet », il est évident que, alors que cela ne l’est pas toujours.
[li] Saint Thomas d’Aquin, doctor angelicus.
[lii] Page 33. Distinction reprise page 41.
[liii] Ainsi ai-je traduit « religiosi ».
[liv] La réflexion sur la perfection du récit des actions de la Vierge s’interrompt et sera complétée au chapitre 9, page 54, une fois faite l’étude des conseils évangéliques, que la Vierge a parfaitement pratiqués.
[lv] In tertio : dans le Troisième livre des sentences ?
[lvi] C’est la thèse du chapitre : les vertus de Marie se ramènent aux dix conseils du Christ.
[lvii] 1217-1274, théologien franciscain surnommé doctor seraphicus.
[lviii] pages 33 et 41.
[lix] occasio, l’occasion ; ce mot signifie aussi d’après Du Cange, chute, mort de l’âme ou encore danger, péril.
[lx] Comme l’auteur l’avait annoncé page 44.
[lxi] Comme l’auteur l’a indiqué page 11.
[lxii] On appelle homéotéleutes les homophonies recherchées par l’auteur.
[lxiii] De nombreux vers de ce Te Reginam sont calqués sur le Te Deum.
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